dimanche, 23 février 2020
Agadez : 111 réfugié-e-s condamné-e-s après la répression contre la manifestation au HCR

Le 4 janvier 2020, un camp de réfugié-e-s du HCR à Agadez, au Niger, a été incendié suite à la répression policière d'un sit-in pacifique de protestation des réfugié-e-s, principalement soudanais-e-s, qui se trouvaient devant le bureau local du HCR depuis le 16 décembre 2019. Des centaines de réfugié-e-s ont été arrêté-e-s, accusé-e-s d'avoir mis le feu au camp après que la police ait dissout leur sit-in de protestation et les ait ramenés de force au camp. Cependant, selon un rapport publié dans The Guardian le 4 février 2020, les réfugié-e-s ont affirmé que l'incendie avait été déclenché par des gaz lacrymogènes tirés par les forces de police nigériennes.

Selon un reportage d'Air Info du 23 février 2020, le procès contre 111 demandeurs d'asile devant le Tribunal de Grande Instance d'Agadez s'est terminé avec 2 personnes condamnées à un an de prison avec sursis et 109 personnes condamnées à 6 mois de prison avec sursis pour des accusations de, entre autres, « attroupement non autorisé » et « dégradation des édifices publics ».

 

 

Des gens marchants du camp au bureau d'HCR à Agadez             

Source de photos: Aïr Info et Alarme Phone Sahara Agadez          

 

 

Sit in pacifique au bureau d'HCR à Agadez                                      

Source de photos: Aïr Info et Alarme Phone Sahara Agadez            

 

  

Sit in pacifique au bureau d'HCR à Agadez                           Camp d'HCR incendié après répression policière

Source de photos: Aïr Info et Alarme Phone Sahara Agadez              

 

Au début, des centaines de demandeurs d'asile avaient été arrêté-e-s, avec des chiffres allant de 355 personnes selon les autorités nigériennes (voir le rapport du Guardian) à environ 453 personnes selon la station de radio soudanaise indépendante Radio Dabanga. Après un mois, le 4 février 2020, environ 200 personnes étaient toujours détenues en prison selon l'activiste réfugié Hamada Mohammed, cité par le Guardian.

 

Guardian a également rapporté que "les réfugié-e-s soudanais-e-s au Niger disent qu'ils vivent dans une atmosphère de peur et d'intimidation après que les forces de sécurité aient opprimé les manifestations appelant à de meilleures conditions de vie.

Les réfugié-e-s dorment dans le désert malgré les basses températures depuis que leur camp à Agadez a été presque entièrement brûlé le mois dernier après qu'un sit-in ait été dispersé de force par les forces de sécurité nigériennes.  

(…)Les réfugiés ont accusé l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, de négligence. Ils nient également l'affirmation de l'agence selon laquelle ils auraient brûlé leurs propres tentes en signe de protestation.

(...)Une déclaration diffusée par des militant-e-s soudanais-e-s, "Sauvez les réfugié-e-s au Niger", a accusé les responsables du HCR de "s'aligner sur le gouvernement nigérien".

(...) Les réfugié-e-s affirment que le camp est resté en même état depuis l'incendie. Ils ont partagé des photos montrant des tentes brûlées, et disent qu'ils ont dormi à l'air libre, utilisant des couvertures et des feux construits à partir de buissons séchés pour se réchauffer. (…)”

 

Plusieurs déclarations soulignent que la répression contre les demandeurs d'asile à Agadez vise à écraser le mouvement des réfugié-e-s qui protestent contre leurs mauvaises conditions de vie, contre la façon dont le HCR et les autorités nigériennes ont traité leurs dossiers jusqu'à présent et contre la situation générale d'être bloqué-e-s dans des camps de réfugié-e-s au Niger sans aucune perspective de solution meilleure.

"Les forces nigériennes utilisent actuellement la peur et l'intimidation contre les réfugié-e-s en raison de nos exigences humanitaires", a déclaré le militant de réfugié-e-s Hamada Mohammed, cité par le Guardian.

Le Guardian cite également un travailleur humanitaire dans le camp qui "a décrit le traitement des réfugié-e-s depuis l'incendie comme une punition collective et qui a également témoigné que la plupart des personnes qui ont été arrêtées étaient encore devant le HCR lorsque le camp a été brûlé"

 

Selon divers rapports, les personnes arrêtées ont dû faire face à de graves abus et au déni de leurs droits.

Comme le cite le Guardian, "il n'y a pas d'humanitaires, personne ne fait rien pour nous dans cette situation difficile", a déclaré un réfugié soudanais qui a été arrêté et qui ne voulait pas être nommé. Il a été libéré après plusieurs jours mais a déclaré que ceux qui restaient en prison vivaient dans des conditions d'exiguïté. "Les gardiens n'allument pas les lumières et il n'y a pas de fenêtres. Les gens à l'intérieur sont coincés dans la chaleur, en pleurs".

Et selon Radio Dabanga, l'un des détenus a déclaré que "les détenus n'ont pas d'avocat pour les défendre. Ils ont été arrêtés pendant que la police rompait le sit-in devant le siège du HCR. Il a expliqué qu'ils ont été interrogés par la police sans la présence d'avocats de la défense. (...) Il a confirmé que les membres de la commission des médias du sit-in ont été soumis à un traitement très dégradant, et qu'ils font face à une série d'enquêtes et d'interrogatoires continus. Il a également confirmé l'expulsion ou la relocalisation de neuf des détenus vers un lieu inconnu".

 

Plus d'informations:

Niamey, 13 Novembre 2019: sit in de réfugié-e-s soudanais-e-s devant le siège de l'HCR

Niger: Sudan refugee sit-in violently dispersed

355 Sudanese refugees arrested in Niger as camp destroyed by fire

Detained Sudanese refugees in Niger ‘subjected to inhumane and degrading treatment’

Sudan refugees pushed into Niger desert after camp burned down

 

Face à cette situation de désarroi habilement orchestrée sur des personnes qui ne cherchent qu'une vie meilleure, Alarme Phone Sahara (APS) pense:

-Que la décision du Tribunal de Grande Instance d'Agadez contre 111 réfugiés doit être révisée, car le procès s'est déroulé dans des conditions d'arrestations arbitraires, de graves abus et de déni de droits et que les 111 demandeurs d'asile qui ont été condamnés doivent être libérés des charges. Par contre, APS pense qu'il faut chercher des solutions qui répondent à la situation désespérée des personnes dans les camps de HCR au Niger.

-Au lieu d’accuser et de poursuivre des personnes qui sont déjà dans une situation vulnérable, il serait plus juste d‘analyser la situation sans passion et voir jusqu'à quel niveau la lenteur du HCR dans le traitement des dossiers de demande d'asile et le silence complice des autorités du Niger pendant des semaines de protestation pacifiques des demandeurs d’asile à Agadez et le déguerpissement forcé du sit-in du 4 Janvier 2020 ont provoqué cette dégradation de la situation jusqu’à l’incendie du camp. L'affirmation de la part des réfugié-e-s que l'incendie ait été déclenché par des gaz lacrymogènes tirés par les forces de police nigériennes devrait aussi être considérée dans le cadre d'enquêtes complémentaires.

- Il faut des résultats rapides et acceptables pour les réfugié-e-s au Niger dans leurs procédures d'asile et aussi une réinstallation dans des pays tiers sûrs pour tout-e-s qui le souhaitent.

-Alarme Phone Sahara encourage les sociétés civiles au Niger et au niveau international de se solidariser avec les demandeurs d’asile qui sont bloqué-e-s au Niger. Il faut agir ensemble contre une politique migratoire mesquine imposée par les états européens dans l'objectif de fermer les frontières entre l’Afrique et l’Europe tout en empêchant aux gens qui fuient les guerres, la persécution et la misère sur le sol africain d'aller là où ils pourront espérer vivre en sécurité.