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Vendredi, 6 juin 2025

Témoignages de personnes expulsées (plusieurs fois) : Des migrants camerounais racontent les violences qu'ils ont subies dans plusieurs pays d'Afrique du Nord

Témoignages de quatre migrants expulsés de Tunisie vers l'Algérie et de là vers Assamaka, à la frontière du Niger, enregistrés en mai 2025 : Zange Mofo Jovin Oton, Arnaud, Kange Pasi et Tobé Djilane - tous sont originaires du Cameroun. Certains ont même été séparés de leurs familles.

Algérie
Tunisie
témoignage

Les témoignages que nous avons recueillis révèlent un schéma inquiétant de violences frontalières perpétrées par les forces de sécurité algériennes, tunisiennes et marocaines. Il ne s'agit pas d'incidents isolés, mais d'abus systématiques, marqués par le racisme, le sexisme et une extrême brutalité - avec parfois des conséquences fatales.

Dans le village désertique d'Assamaka, les personnes expulsées sont laissées dans des conditions extrêmement difficiles et instables. L'aide limitée fournie par le camp de l'OIM ou par des ONGs comme COOPI est loin de répondre aux besoins. De nombreuses personnes n'ont aucun accès à ces services et sont livrées à elles-mêmes, complètement seules.

Malgré cela, les témoignages reflètent également quelque chose de puissant : la force, la détermination et la solidarité de personnes confrontées à des circonstances insupportables.

Alarme Phone Sahara s'efforce de documenter ces réalités, non seulement pour sensibiliser l'opinion publique, mais aussi pour demander des comptes aux responsables, y compris aux États et aux institutions de l'Union Européenne qui contribuent à financer et à permettre de telles pratiques.

Les informations provenant de l'intérieur de l'Algérie étant très difficiles à obtenir, les voix de ceux qui ont vécu ces expériences sont essentielles. Nous sommes profondément reconnaissants à ceux qui ont trouvé le courage de s'exprimer devant une caméra.

À travers leurs récits, nous témoignons de la violence dont sont victimes les personnes en mobilité et la souffrance que nous constatons directement lorsqu'elles arrivent à Assamaka : Épuisées, blessées et souvent désespérées, elles doivent faire face à une nouvelle lutte pour leur survie.

Nous faisons ce que nous pouvons pour apporter notre soutien, mais nous sommes conscients de nos limites. Nous sommes une petite organisation aux ressources modestes, alors que des milliers de migrant.e.s restent bloqué.e.s dans cet avant-poste isolé du désert.

Analyse et déscription sur la situation des migrant.e.s noirs en Tunisie et l’Algérie par Zange Mofo Jovin Oton

Quand tu es citoyen, tu peux circuler dans ton continent librement. Mais nous, ici en Afrique, il n'y a pas d'union. Nous sommes des Africains, mais on ne peut pas circuler librement. C'est ça la difficulté.

Alors qu'on a traversé le Niger, on a traversé le Nigeria, on a traversé même le Bénin, tous les pays d'Afrique noire, sans difficulté. Il y a d'autres mêmes, comme le Gabon, j'ai eu mon bac au Gabon, sans difficulté. Mais quand tu arrives dans le Maghreb, c'est là où tout change. Ils n'ont pas la mentalité africaine, ils ne veulent pas être unis, ils ne veulent pas accepter qu'on soit des frères. Parce que si vraiment ils acceptaient qu'on soit des frères, les papiers ne devraient pas causer des problèmes pour eux. Parce qu'on est passé dans tous les autres pays. Comme ça, il y a d'autres mêmes qui ont même perdu leurs papiers, parce qu'ils se sentent en sécurité, à l'aise. D'autres même les ont laissé à la maison. Ils se sentent à l'aise.

Mais une fois déjà dans le Maghreb, même si la population te voit, s'il y a d'autres personnes qui sont accueillantes, il y a d'autres personnes que la police exige qu'elles ne doivent même pas vous aider. Donc tu arrives peut-être chez un Algérien, il t'aide, et puis il te dit que non, pas la police. La police refuse qu’il t’aide. Donc ça veut dire que c'est la loi du gouvernement même. C'est la loi du gouvernement que quand on doit vous aider, vous ne devez pas aider vos frères africains.

Si déjà le gouvernement dit ça à la population, ça veut dire que c'est eux-mêmes qui inculquent ça à la population, la division. Il n'y a pas l'amour. Alors que s'il y aurait l'amour, ça devrait faire en sorte qu'il se passerait actuellement une centaine de luttes contre l'autoritarisme. Mais s'il y a l'amour déjà entre nous, et qu'on peut arriver quelque part, on est à l'aise. On ne peut pas penser toujours à risquer, parce que tout ça c'est le risque.

Nous, on s'est fait mal, on marche, on traverse la mer, il y a beaucoup de nos frères qui meurent. On n'est pas fiers, nos parents ne sont pas fiers de nous voir endosser ce qu'on a eu. Ce n'est pas tout le monde qui dit qu'ils ne sont pas fiers. Donc parfois même l'argent qu'on peut leur donner, il peuvent aussi penser à trouver des emplois pour pouvoir recarder la population, changer un peu leur cœur.

Pour que ça fasse en sorte que nous, on se sente aussi à l'aise où nous nous trouvons, ils ont aussi envie de partir visiter chez nous. Chez nous on va bien les accueillir, parce qu'il y a d'autres qui ont les besoins. Nous on ne cherche même pas à savoir où ils résident. Mais nous sommes accueillants, on sait que l’Afrique est un peuple accueillant. Mais déjà, à ce niveau-là, on voit que ça ce n'est plus un peuple accueillant. Parce que déjà, vous ne pouvez pas être fiers de voir nos sœurs et les enfants. Vous prenez les enfants et vous les jetez au désert. La femme a survécu comme moi au désert. La mère d'enfant, elle était enceinte. Parfois on marche, on marche, on marche, et c'est un corps qu'on laisse derrière. On va bien donner l'eau, mais ça ne va pas. On finit par laisser le corps derrière. On ne peut pas tout parler de ce qu'on subit. On doit commencer par changer leur cœur d'abord.

Parce que si vraiment, ils ont un peu d'amour dans leur cœur. C'est cet amour-là qui va faire que ça va du mieux pour des migrants. Parce que si moi j'arrive ici au Niger, comme on est en train d'accueillir, je peux marcher partout, sans qu'on ne me demande rien. Tant que je n'ai pas fait quelque chose de mauvais. S'ils peuvent marcher partout, sans qu'on ne me demande rien. Alhamdoulilah, c'est la liberté.

Tout le monde veut être libre. La liberté, ça n'a pas de prix. Si tu es dans un pays où tu ne peux pas être libre, quant au moment où tu marches, il faut regarder si la police est en train de venir ou bien si. Là, ça veut dire qu'on vit avec le stress. On ne peut pas gagner nos vies dans ces genres des pays. Ceux qui parviennent à gagner aussi, là, ils ne veulent pas.

Vraiment, il y a un coup de chapeau pour eux. Mais nous là, ça nous a dépassé. On préfère même qu'on rentre chez nous. Parce que moi, je ne savais pas que ça pouvait être comme ça. J'entendais les Algériens, les Tunisiens et tout. Moi, dans mon cœur, je me disais que c'est aussi un pays africain.

Quand j'arrive là-bas, c'est comme une découverte. C'est pas pour aujourd'hui que les migrants existent. Même depuis l'époque de Moïse. C'est pour aujourd'hui. C'est toujours une découverte. Pour un homme de sortir, de marcher, d'aller regarder. Les migrants, c'est toujours une autre forme de tourisme. Ce n'est pas parce qu'on a mis les papiers pour les frontières. On a modernisé la chose, on appelle ça tourisme. Tout ça, c'est toujours la même forme. Quelqu'un marche, c'est pour découvrir, pour apprendre. Mais vous ne pouvez pas rester chez vous, parce que vous ne sortez pas. Vous croyez que vous avez tout. Non. Vous avez aussi besoin des choses que nous avons chez nous.

Mais vous ne nous connaissez pas. Dans le monde, vous pouvez avoir ce que vous avez. Nous sommes dans ce qu'on a. On se partage. On s'unit. C'est l'amour qui règne. Mais nous sommes très déçus des pays du Maghreb. Moi, je n'ai jamais fait le Maroc. Mais j'ai entendu des frères apprécier le Maroc. J'ai entendu plein de frères apprécier le Maroc. Parce qu'ils se sentent à l'aise là-bas. Je ne parle pas du cas de ceux qui sont en forêt, mais ceux qui sont dans la ville. Parce qu'au Maroc, même quand on te refoule en pleine mer, on ne peut pas te laisser au désert. On te laisse dans une ville, mais plus à côté de la mer. On te laisse dans une autre ville. C'est ça la mentalité. On ne peut pas vous refouler, on ne peut pas vous prendre, on ne peut pas vous laisser au désert. Vous n'avez pas d'eau, vous n'avez rien. C'est pour vous tuer.

Zange Mofo Jovin Oton

Bonjour, moi c'est Zange Mofo Jovin Oton, je suis camerounais, âgé de 30 ans. Je suis arrivé sur le territoire tunisien avec mon permis et ma carte de mon passeport. J'ai été surpris que dans le continent africain, tu ne peux pas marcher librement. Si tu ne peux pas marcher librement, pourquoi pas ?

Quand on voit que ta couleur de peau est différente, même pour avoir un travail, ce n'est pas possible. Si on te donne le travail, c'est que c'est bon. Peut-être qu'on va te mettre dans une concession où tu vas vraiment bosser dur. Et parfois, après avoir bossé dur, si la police t'attrape, même si tu as le papier, on prend le papier, on déchire, on prend tout ton argent. Parce qu'on a travaillé des mois, on a eu l'argent, et on s'est retrouvés à ne plus avoir ses francs. Ce n'est pas les bandits, ce n'est pas les clochards qui ont pris, c'est la police dans le territoire tunisien et dans le territoire algérien.

Donc, même la population n'est pas accueillante. C'est ce qui fait en sorte que parfois les migrants veulent même sortir, ils ne veulent pas durer dans le territoire du Maghreb. Parce que si la population était vraiment accueillante, on pourrait travailler, on pourrait vivre un peu paisiblement. Même l'idée de vouloir traverser la mer ne devait pas trop venir. Puisque tout le monde aime se sentir libre dans son continent, rien ne vaut la liberté. Mais on n'a pas de liberté, et quand on nous arrête, si on ne te met pas en prison, c'est qu'on a tout pris, la seule pitié qu'on a eue, c'est de te laisser marcher. Sinon ils ont tout pris.

Mais quand ils ne sont pas cléments, on te met en prison, on te bastonne, on te déchire tes documents, et après on va te laisser en désert. Et parfois même, quand la garde nationale arrive en pleine mer, c'est eux-mêmes qui tournent autour du bateau, qui bousculent le bateau, qui dérangent l'eau. Après, ils partent pour nous laisser souffrir. Et la Croix-Rouge vient en retard. Ils sont peut-être deux ou trois personnes. Alors qu'au départ, c'est eux qui ont gâté, c'est eux qui ont causé le naufrage.

Donc il y a plein de trucs. Quand on nous a laissés, parce que moi on m'a pris en Tunisie, quand on nous a tout pris, on nous a laissés en désert. Nous sommes arrivés à Tébessa. Il y a un village tout près, avant même d'arriver à Tébessa. Mais déjà en Tunisie, déjà en Algérie. On a travaillé là-bas, avec mon frère. On a travaillé un peu deux mois. On a collectionné plus de 14 000 dinars. Quand on arrive au niveau de Tébessa, on part dans une boutique pour pouvoir payer quelque chose. La police algérienne vient. Ils ont pris tout l'argent qu'on avait sur nous. On leur a expliqué qu'on sait qu’ils voulaient nous laisser en désert à Assamaka. « Mais laissez-nous quand même avec quelque chose puis qu’on arrive en désert. On va pouvoir se nourrir ». Ils ont dit qu'il n'y avait pas de problème. « Nous, on n'est pas comme les Tunisiens. On va vous donner votre argent ». Mais on était surpris qu'ils nous aient mis en cellule. Après, ils sont venus nous laisser ici sans rien. C'est la même chose, le même outil. Tout ce qu'on a travaillé.

Moi, ça fait trois ans que je suis dehors. Au pays, j'exerce mon métier de management. On est arrivés ici. On a fait presque tout pour avoir ce qu'on pouvait avoir pour envoyer la famille. Mais on se retrouve toujours que c'est la police qui est censée protéger les populations. Parce que nous, on n'a pas volé. La police attrape. Elle attrape tout ce que tu as travaillé. Tu ne peux t'excuser devant personne. Parce que la population n'est pas avec vous. Parfois, quand tu restes, c'est la population qui appelle la police pour dire qu'il y a un noir qui est là.

Arnaud

Ils nous ont mis dans les bus, ils nous ont menés dans une base de la garde nationale à la frontière d'Algérie. Et dès qu'on est arrivés, ils nous ont bastonnés, ils ont donné des coups très violents. Tous les policiers, tous les gendarmes.

Je pose la question, comment ? Moi, je suis un étudiant sur le territoire, j'ai toujours trouvé que c'était bien, mais ce moment c'est appeler soit mon évaluation, soit mon rendez-vous avec les documents qui m'ont montré que vous n'avez pas le droit de me traiter comme ça. Ils ont confisqué nos téléphones, confisqué tout ce qu'on avait de valeur pour les personnes. Ils avaient ce qu'ils devaient nous remettre. Ils nous ont parlé, ils nous ont mis à la frontière algérienne. Quand ils nous ont rejetés à la frontière algérienne, nous sommes entrés en Algérie. Et ensuite, moi, je ne peux pas retourner pendant que ma femme est à Tunis et mes enfants sont à Tunis.

Ils m'ont fait quoi en Algérie ? Ils nous ont chassés de leur territoire. J'ai essayé de tout décoller. Pendant trois nuits, j'ai grimpé, j'ai grimpé. Et quand finalement j'ai trouvé un village. J'ai cherché un cybercafé, j'ai tiré mes documents qui étaient sous mon gmail. Quand je les ai tirés, je marchais avec. Si peut-être ils me rencontrent, je pourrais me justifier. Je suis tombé devant la garde nationale. Ils m'ont arrêté, ils m'ont demandé « qu'est-ce que tu fais là ? » Je leur ai montré mes papiers, je leur ai montré que j'étais en situation régulière. Et ce qui m'est arrivé en route. On a pris mon téléphone, on a pris tout ce que j'avais. Ils ont dit qu'ils n'ont pas le droit d'entendre, je dois me resituer.

Le commandant m'a dit « ne t'inquiète pas, tu vas voir ta famille aujourd'hui. » J'ai pensé qu'il devait m'envoyer une voiture, qu'il devait me ramener à Tunis. Ou soit peut-être appeler mon ambassade, mon ambassade. Il m'amène à la base militaire ou on va bastonner, j'étais étonné d'être là-bas. Et ensuite, quelques heures plus tard, on dit qu'on va nous rejeter à la frontière. C'est comme ça qu'on nous a rejetés à la frontière.

Et mon petit frère est venu me trouver, et on nous a rejetés. On était obligés d'entrer en Algérie parce que la Tunisie, on n'avait plus trop de locaux. Et on avait mal déjà aux pieds, vu les marches qu'on avait faites. C'était la question qu'il fallait qu'on se retrouve avant de voir comment on va avancer. Et on est entrés en Algérie, on s'est perdus. Et on est arrivés à Tébessa. À Tébessa, maintenant, il fallait réfléchir. J'ai décidé d'aller au niveau du consul tunisien à Tébessa. Je suis arrivé là-bas, ils m'ont dit que je n'avais pas le droit d'être ici, vu ce qu'on a fait. Ils n'ont pas le droit de nous remettre ou autre chose. Mais ils n'ont rien fait pour moi. Ils m'ont envoyé plutôt au niveau de mon ambassade. Et mon ambassade se trouve à Alger. Nous, les Subsahariens, on n'a pas le droit de prendre le taxi. C'est interdit de prendre le taxi pour aller à Alger et même pour se déplacer dans la ville. Je ne peux pas marcher 700 ou 600 kilomètres à pied. J'étais obligé de réfléchir comment je vais faire pour arriver. Et directement, il y a des gens qui ont décidé de m'aider. Avec des sous pour que j'avance. C'est là où je me suis fait kidnapper. Je me suis fait kidnapper. D'abord, ce n’était pas si facile. C'est simple, c'est tragique. Ils m'ont libéré après deux jours. On n'avait plus de recours. Ils m'ont libéré après deux jours, les kidnappeurs.

J'ai essayé d'entrer en contact avec ma femme. Il fallait trouver une solution, comment faire pour rentrer à Tunis. Soit peut-être retourner où je peux être en sécurité. Et j'attendais un Algérien qui pouvait m'aider à soit aller à Algers,, soit peut-être retourner à Tunis dans le noir. Directement, on est tombé. La police algérienne nous a arrêtés. La même chose que les Tunisiens nous ont fait. Sans rien, sans aucun motif. J'ai dit que non.

Moi, je suis en situation régulière. J'avais mes documents sur mes mains. Le scan que j'avais fait, j'avais gardé dans mon gmail. Que moi, je suis un étudiant à Tunis. Et je suis venu auprès du consul tunisien pour essayer de voir ma solution. Comment je peux faire pour avoir un laissez-passer pour retourner à Tunis. Ou soit pour aller au niveau de mon ambassade. Vous m'arrêtez ou partez avec moi. Je lui ai dit que non, ne vous inquiétez pas. Dès que le patron va arriver, le chef va arriver, il va me dire qu'il n'y a pas de problème, on va me juger. Il n'y a pas de problème, il n'y a pas besoin de jugement. Directement, on se retrouve dans les prisons encore. La même chose qu'on a eu à Tunis. Pendant des jours. Ce n'est même pas moyen de dormir. Même pas moyen. La nutrition, même pas une nutrition qu'on peut dire que quelqu'un peut manger. Trois jours. On se posait des questions : Quand est-ce qu'ils vont nous libérer ? Ils nous ont gardé.

Après, on a pensé qu'ils allaient nous remettre entre les côtés de la gendarmerie et on va nous chasser du côté de désert pour le Niger. […] On a fait des choses et des voyages. On a regardé quelque part. Pas d'administration, pas d'accès à l'eau comme on voulait. Ils nous ont laissés à quelques kilomètres, à 15 kilomètres du Niger pour marcher. Il y avait des femmes enceintes. Je me suis même étonné comment une femme enceinte peut vivre ce genre de transport avec les secousses qu'on en faisait. Comment on se sentait ? Je ne m’en sors pas. Comment une femme enceinte va faire ? Les enfants, mettre dans les camions comme des marchandises, rouler. Ils vont nous abandonner à marcher. Nous sommes retournés d'Algérie. On nous a accueillis quand même bien.

Bien parce que, vu ce qu'on a vu en ce moment, ici nous sommes au moins en famille. On a au moins la tranquillité, la liberté. On est arrivés, on nous a manqué l'aide de l'OIM. On n'a pas encore eu assez d'eau pour avoir de l'équippement. Mais on a l'espoir qu'on va se replanter et retrouver dans nos familles. Et c'est moi de retourner voir ma famille parce que c'est moi l'espoir.

Kange Pasi

Salam aleykoum.

Moi c'est Kange Pasi. Je suis un jeune Camerounais âgé de 21 ans. J'ai quitté mon pays il y a deux ans. Pour sortir, pour pouvoir chercher de quoi gagner ma vie. Pour pouvoir aider ma famille. Et à ma grande surprise, c'était pas du tout facile. Surtout arrivé en Tunisie. Il y a eu beaucoup de chocs. Il y a eu beaucoup de moments difficiles. Avec la police. Avec les habitants. Il y a eu trop de racisme. Ils m'ont fait la prison. L'année passée. Le 6 mai. Le 6 mai 2024. J'ai fait 4 mois de prison. C'était pas du tout facile.

Après la prison. Ils nous prennent. Ils nous jettent des Nations Unies. Ils nous jettent en désert. Et puis on ne sait pas. On essaie de remonter. On essaie de refaire la vie. On se bat un peu. On travaille un peu. On gagne un endroit où on peut dormir. De quoi manger. Mais ensuite, ils viennent toujours casser les maisons. Ils cassent les maisons. Ils entrent dans les maisons. Ils étaient carrément dur. 2h, 3h, 4h. Ils viennent. Ils prennent nos téléphones. Ils prennent notre argent. Ils prennent tout. Après, ils nous jettent encore des Nations Unies.

J'ai rencontré mon grand Nino. Ça fait dès cela un an, il m’a beaucoup aidé en Tunisie. Mais à ma grande surprise, on s'est retrouvés de ce côté. En même temps il est pas dans la même situation. Il a sa femme et ses enfants en Tunisie. Il est venu légalement. On est tous pareils. Nous nous sommes ‘les blacks’ et eux ils sont des européens. Pour moi nous sommes les africains. Ils disent non. Qu'on est là pour salir le pays. Ils nous prennent. Ils nous tabassent. Ils nous tabassent. Et ce n'est pas bon. Ils nous blessent. Ils cassent les pieds. Ils cassent les mains. Après ils nous jettent en frontière. Ils prennent tout ce qu'on a. Notre argent qu'on a souffert pour travailler. Ils prennent. Ils gardent ça sur eux. Et puis ils nous demandent de sortir de leur pays.

Et puis, ça fait de cela 6 mois qu'on était en Algérie à cause toujours d'un choc. Arriver en Algérie. Là-bas on était beaucoup fatigués. On cherchait un moyen de pouvoir remonter. Parce que mon grand, il avait à tout prix à retrouver sa femme en Tunisie. Donc on est resté en Tunisie pour quelques mois pour pouvoir s'occuper. On avait mal aux pieds. On avait marché plus de 400 kilomètres. On est resté en Tunisie pour pratiquement une semaine. On a cherché des moyens de pouvoir remonter. Et puis le refoulement en Algérie aussi. Il nous ont pris. Ils nous ont enfermés pendant plus de quatre jours. On mangeait à peine. Donc on nous donnait de l'eau. Une bouteille de sucre. Ils nous donnaient une bouteille d'eau comme ça. Pour six personnes.

Toute la journée. Comme ça? Dans les bus. Ils s'arrêtaient en route. Ils mangeaient le matin. Ils s'arrêtaient pour manger. On mangeait juste du pain. On mangeait un pain par jour. Tout le trajet. Pourtant eux ils mangent constamment. Ils donnent une bouteille d'eau à 6 personnes. Et puis on est toujours en route vers les frontières jusqu'à ce qu'on arrive ici à Assamaka. Aujourd'hui ça fait 3 jours que nous sommes ici à Assamaka. Mais depuis qu'on est arrivé ici au moins on a pu quand même se reposer mais ce n’est pas facile. Les gens de l’OIM ne nous ont pas accueilli depuis que nous sommes ici. On n'a pas d'endroit pour dormir. On n'a rien. On cherche juste un petit coin où on peut mettre la tête. Ce n'est pas facile. Vraiment. On a besoin que certaines personnes qui nous viennent en aide. Pour nous aider. Pour améliorer notre situation. Et moi aussi, depuis que je suis parti, ça fait pratiquement 2 ans. J'ai perdu mon père, ça fait de cela cinq moins. Je n'étais pas au pays. Maintenant ils savent qu'ils m'ont retourné au pays. Ils ne connaissent pas comment ça s'est passé. Et puis, j'ai demandé à mes grands frères, on sait qui ils sont, s’ils peuvent nous venir en aide. Parce que vraiment ce n'est pas facile. Nous ‘les blacks’ on souffre beaucoup dans les pays maghrébins. Merci.

Tobé Djilane

[…] Je m'appelle Tobé Djilane, je suis un jeune migrant Camérounais. J'ai quitté mon pays il y a d'ici là deux ans. Je suis arrivé en Tunisie. J'ai été étonné de la façon dont nos frères africains nous traitent, nous les noirs, nous les noirs africains.

Dès mon entrée en Tunisie, j'ai été kidnappé. Parce qu'ils ont une association, ils travaillent en collaboration avec des noirs subsahariens. Ce sont les Tunisiens qui travaillent en collaboration, ce sont les têtes de cette organisation. Quand j'arrivais, j'ai pris un taxi pour me rendre à Sfax. J'ai pris un taxi, le taximan, le chauffeur tunisien, il est parti me vendre. Il est parti me vendre chez des noirs.

Chez les noirs, il y avait des Guinéens, des Ivoriens qui m'ont torturé. Ils ont fait beaucoup de choses, ils ont pris des vidéos, ils l'ont envoyé à ma famille demandant des sommes. Mais grâce à Dieu, j'ai pu m'évader de là. Je me suis sorti en courant de tout et tout dans la rue. J'ai rencontré un Sénégalais qui m'a aidé, il m'a gardé chez lui pendant deux mois. Je suis resté chez lui pendant un bon bout de temps.

Même étant chez lui, ce n'était pas toujours facile. Avec le racisme et tout, on avait des voisins tunisiens qui habitaient autour de nous. Avec des clochards tunisiens, ils ont organisé un cambriolage dans notre maison des Subsahariennes. Notre petite maison où on vivait. Les Tunisiens ne voulaient pas nous voir dans leur pays. Chaque fois qu'on sortait, peut-être pour se brosser les dents ou pour laver son visage, je reçois les cailloux, on te jette les pierres. Ils ne voulaient pas voir la peau noire. Ils nous ont beaucoup torturés. Le propriétaire de la maison de nos voisins a organisé un cambriolage avec les autres petits Tunisiens et clochards.

Ils sont venus, ils ont cassé la porte, ils ont frappé. Il y avait des femmes à l'intérieur, il y avait des femmes enceintes. Beaucoup de femmes, les gens sautaient de l'étage parce qu'on était au deuxième étage. Beaucoup de femmes se sont cassées les pieds ce jour, cette nuit. Elles se sont cassées les pieds. C'était vraiment horrible. Tout ça à cause du racisme, à cause de notre peau. Je ne sais pas si on a fait du mal à quelqu'un parce que nous sommes Noirs. On mérite ce genre de traitement.

Après le drame, on a eu beaucoup de femmes qui se sont cassées les pieds parce qu'ils sont venues avec beaucoup de couteaux, des machettes. Beaucoup de choses sont venues nous attaquer cette nuit. C'est comme ça que nous avons quitté la maison, parce qu'ils ne voulaient pas nous voir, vu notre peau et tout. Nous avons quitté la maison. J'ai travaillé à la capitale, à Tunis. J'ai travaillé dur. J'ai travaillé à Tunis pendant deux ans. Toutes les économies que j'ai eues, j'ai travaillé pour envoyer à ma famille. Parce que quand on sort, on vient en aventure. C'est pour aider nos familles. C'est la raison pour laquelle nous sortons de plus. J'ai travaillé pendant deux ans à Tunis. J'ai travaillé très dur. Je travaillais dans le bâtiment, les constructions, les mains d'oeuvres. Je faisais des mains d'oeuvres. J'ai travaillé très dur, très dur.

Un matin, je suis sorti pour aller me rendre à mon lieu de service. J'ai été intercepté par la garde nationale. J'ai été intercepté avec tout ce que j'avais sur moi. Ils ont tout pris sur moi. Toutes mes petites économies que j'avais faites, toutes mes petites économies de presque deux ans que j'avais accrues, ils ont tout pris. Mon téléphone, tout. Ils m'ont mis dans le bus avec certains autres noirs. Nous étions près de Sousse, dans le bus. Ils nous ont ligotés comme des animaux. Ils nous ont attachés. J'ai même encore les traces du bleu sur les mains là. Ils nous ont torturés. Ils nous ont frappés. Ils nous ont frappés en nous insultant. Ça nous faisait penser à l'ancienne époque de l'esclavage, comment on frappait les noirs.

C'est là où je me suis rendu compte que jusqu'à présent, nous vivons toujours l'esclavage dans notre continent. On n'est pas libres de marcher comme on veut. Ils ont toujours demandé des papiers. C'est vrai que c'est normal, mais déjà, nous frapper, nous traiter comme si nous étions des animaux, c'est comme ça.

Depuis ce jour, ils nous ont pris dans le bus. Ils nous ont jetés dans le désert. Il y avait des femmes enceintes. Il y avait des femmes avec des bébés. Je l'ai vu, des bébés dans le désert. Je l'ai vu, beaucoup de femmes mourir de soif dans le désert. Mourir de soif dans le désert. Tout ça à cause des papiers. Ça veut dire que la vie humaine n'est plus...

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