Témoignages de cinq personnes migrantes expulsées d'Algérie vers Assamaka, à la frontière du Niger, enregistrés en janvier 2025 : Rose de la Côte d'Ivoire. Fatima, Solène et Norbert du Cameroun. Et une intervenante de femmes nigérianes vivant à l'extérieur à Assamaka.
Les témoignages dressent un tableau accablant de la violence frontalière par les forces de sécurité algériennes, tunisiennes et aussi marocaines, avec leurs pratiques racistes et sexistes déshumanisantes, brutales et, dans le pire des cas, mortelles, qui ne sont manifestement pas des cas isolés, mais font partie du système :
Violences sexuelles et viols de femmes interceptées à la frontière ou expulsées ou refoulées. Les femmes et les hommes sont fouillés à la recherche d'argent et d'objets de valeur par des pratiques humiliantes et sexualisées. Les personnes sont gravement maltraitées et battues, on leur inflige des fractures de membres difficiles à guérir. Des documents d'identité et des objets personnels, même des prothèses dentaires, sont délibérément détruits. Des personnes sont abandonnées dans le désert et laissées pour mortes de soif.
A Assamaka, les personnes expulsées survivent dans des conditions extrêmement précaires. Les structures d'hébergement et d'approvisionnement mises en place dans le camp de l'OIM ou par des organisations humanitaires telles que COOPI sont loin de couvrir les besoins. De nombreuses personnes, dont des centaines de femmes, d'hommes et d'enfants originaires du Nigeria, n'y trouvent même pas accès et doivent lutter pour survivre en étant complètement livrées à elles-mêmes.
En même temps, les récits des personnes expulsées témoignent aussi de leur résilience, de leur volonté de survivre et des fois mêmes d’actes solidaires dans un environnement hostile et violent.
Il fait parti des objectifs d’Alarme Phone Sahara que les auteurs des crimes contre les personnes en mobilité, mais aussi leurs commanditaires et leurs bailleurs de fonds, notamment du côté des États de l'UE, doivent rendre des comptes.
Témoignage Rose, migrante ivoirienne expulsée d'Algérie et de la Tunisie
"Je m’appelle Rose, je suis Ivoirienne, je viens de la Côte d'Ivoire. Moi, j'étais au Maroc. J'ai vécu au Maroc pendant 4 ans. En tout cas, la vérité, le Maroc, dans le pays du Maghreb, moi, encore, je préfère encore le Maroc. Parce qu'actuellement, si on me dit que je vais aller dans un pays arabe, je préfère encore le Maroc. Parce qu’ en cours de route, je dis, ah, je vais aller en Tunisie.
Ce qu'ils m'ont montré, d'abord, en Algérie, en partant, depuis que je suis née, je n'ai jamais vécu ça. En Algérie, je suis arrivée, les policiers nous ont pris, j'étais avec mon mari. On m'a mis dans une maison. 3 personnes. Ils ont enlevé tous les habilles, ils ne m'ont pas violée. Ce qu'ils ont fait, c'était plus que le viol. Parce que l'autre a attrapé un pied ici, l'autre a attrapé un pied ici. Ils ont enlevé tous les habilles (...). Ils ont regardé dans mon cul, s’il y a quelque chose, si j'ai caché quelque chose. L'autre porte un gant, il met la main dans mon vagin, il met la main dans mon cul. Tout ça, là, j'ai vécu ça en Algérie. On est parti. Ils ont fini ça, tout est passé. En tout cas, j'étais tellement, j'étais traumatisée. Mais on ne pouvait plus retourner. (..)
On est parti en Tunisie. En Tunisie, encore morte. Quand je vois en Tunisie, il n'y a pas de visa. Même au Maroc, il n'y a pas de visa. Moi, j'avais tous mes papiers. Où on nous a pris, mon passeport, même mon permis de conduire, ils ont tout pris, ils ont tout déchiré devant moi. (..) Ils ont tout déchiré devant moi avant qu'on ne rentre à Tunis. On est rentré en Tunis.
Pour le problème qu'on est venu là, la personne nous a appelé, qu'on vienne, on parte. On est parti encore sur l'eau, on nous a pris sur l’eau. Là-même, aujourd'hui, il y a mes orteils qui sont devenues handicapées. Parce qu'on frappe les femmes comme les garçons. On frappe les hommes comme les garçons. Encore, celui que j'étais avec, comme il était un peu gueullard, ils ont dit que c'est lui le cockser. Donc, ils ont failli le tuer. C'est à cause de lui qu'ils ont marché sur mon pied jusqu'à ce qu'ils ont écrasé mes orteils. Parce que je ne voulais pas, il n'était pas cockser.
En tout cas, ce qu'ils m'ont montré dans un pays arabe, là, si on me dit que c'est un pays mieux, je préfère encore le Maroc. Parce que le Maroc, même aujourd'hui, si quelqu'un me dit que je peux aller là-bas, je peux accepter. Mais Algérie, Tunisie, vraiment. Même si quelqu'un me dit « je ne suis pas d'accord », qu’il me dit qu'il veut aller là-bas, je vais décourager la personne. Vraiment.
On nous prend encore jusqu'à Assamaka aujourd'hui. Mais d'abord, une première fois, on te prend ton téléphone, ton argent, rien, même si tu demandes ton puce pour appeler tes parents, ils ne vont pas te donner. Donc, tu t'en vas, jeter quelqu'un au désert. Surtout côté tunisienne on te jette, même s'il y a de l'eau avec toi, ils vont tout jeter. Tout ce qu'il y a, même si tu as porté les bonnes chaussures, ils vont tout enlever. Et c'est en désert on va marcher pieds plats. Moi, je marchais pieds plats en désert pendant trois jours, sur la route de Tunisie, avant d'arriver en Algérie. Donc, vraiment, Algérie, même chose. On peut prendre tes choses, le téléphone, l'argent que tu as sur toi, et on vient vous déposer au désert, sans rien.
Donc, si ce n’est pas à Assamaka ici, on peut dire qu'ils ont une association ici, on l’appelle COOPI. Quand on arrive ici, c'est eux qui peuvent vous donner à manger. Sinon, on arrive ici sans rien. Même habilles, même chaussures, rien. En tout cas, c'est ce que j’ai vécu dans les pays arabes. Ça me dépasse. Pour expliquer, même ça, des fois, ça peut te traumatiser."
Témoignage de Fatima, migrante camerounaise expulsée du Maroc et de l’Algérie
"Je m’appelle Fatima. Je suis une jeune Camerounaise, âgée 32 ans. J’ai quitté mon pays récemment pour une aventure, parce que je voudrais découvrir beaucoup de choses. Mais des choses que j’ai vécu à mon arrivée en Algérie en en essayant de traverser la frontière pour le Maroc ! Les dirigeants algériens ne vous traitent pas bien. On se déplace dans les rues de Algérie avec beaucoup de difficultés, parce que à chaque fois on a la peur du refoulement.
Et au niveau de la forêt, quand nous partons en frontière pour le Maroc, nous vivons vraiment comme des orphelins ! Nous vivons en pleine forêt, sans couvertures, sans rien, avec l’espoir d’entrer au Maroc. Mais après deux mois de souffrance et de tout ça, nous avons tenté pour entrer au Maroc. Arrivées au Maroc, les militaires marocains nous ont d’abord attrapées en frontière déjà arrivées sur leur territoire dans la nuit, il était 02 : 30 heures du matin. Ils ont fait les hommes enlever les vêtements, et c’était en pleine froid. On nous a déshabillées, on nous a fouillées, on a doigté les hommes jusqu’à l’anus pour chercher de l’argent. On a récupéré nos téléphones, nos pièces d’identité, on nous a dépouillées de tous nos biens. Et après cela, ils nous ont renvoyées à l’autre côté, en Algérie. C’est où les militaires algériens aussi nous ont pris là-bas, ils nous ont amenées dans leur camp. Dans leur camp, ils nous ont donné à un capitaine. Comme j’étais la seule femme, ils m’ont proposée à un capitaine. Mais grâce à dieu, j’ai causé avec le capitaine, le l’ai fait comprendre que je suis mariée et je ne peux pas faire des choses avec lui. Je ne sais pas ce qui s’est passé, peut-être mon dieu était… il a essayé de me comprendre, parce que j’ai pleuré, pleuré pour deux heures de temps pour dire ce n’est pas normale. Je sais, j’ai traversé la frontière pour une meilleure vie. Il n’a pas besoin d’aller à ce niveau avec moi.
Quand nous sommes rentrées dans le camp, j’ai retrouvé les garçons là-bas. Et chez les garçons, j’ai trouvé qu’on avait défait des chiens. On les a mis debout, on les a déshabillés, les chiens étaient en train de leur mordre les pieds ! Et les militaires algériens filmaient pour mettre sur Tictoc, en disant que ça va leur apporter beaucoup de vues. Après ça les amusait de voir les gens souffrir avec les chiens qui les mordaient.
Et finalement ils ont ramené les uns, ça nous donne l’occasion de nous exprimer. Parce que j’ai des sœurs avec qui on était dans le même convoi pour nous amener au Niger. On a mis les doigts, on les a doigtées, pour chercher, je ne sais pas ce qu’ils cherchaient.
C’est vraiment compliqué, nous sommes tous les Africains. Je ne sais pas pourquoi un Africain va se retrouver dans un autre pays africain et avoir des difficultés !
Si c’est l’idée de nous refouler, nous ne refusons pas. Mais quand vous refoulez un migrant au niveau de la forêt, vous récupérez son téléphone, vous cassez, et vous l’abandonnez en deux ou trois jours de route sans eau, sans rien, c’est pour que cette personne meure ! Nous ne venons pas pour mourir ! On se dit qu’on est tous des Africains, on ne peut pas se déplacer, en arrivant dans mon pays, dans mon continent toujours, et j’ai beaucoup de difficultés en fin.
Aujourd’hui, je parle de ce que mon cœur me cri. C’est juste que j’ai assimilé et j’ai assez pleuré.
Je me retrouve à Assamaka, mais avec les dépenses et les conditions de vie aussi à Assamaka où on nous a laissé, c’est pitoyable !
Nous sommes à Assamaka, dans un petit village en frontière du Niger avec l’Algérie. Mais la situation n’est pas bonne parce que nous ne sommes pas habituées à ce qu’ils font. Ils ne s’arrangent pas de ce que nous avons mangé, mais ils s’arrangent pour nous faire partir. Et nous dormons sur des nattes, et c’est vraiment compliqué pour nous. (…) Franchement, cette organisation, on remercie beaucoup, parce qu’ils nous ont donné l’occasion d’exprimer ce que nous avons au fond du cœur.
Que APS continue à faire du bon boulot, espérant que la vie des migrants peut changer, parce que c’est du désordre et de n’importe quoi."
Témoignage de Solène, migrante camerounaise expulsée de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie
"Je m'appelle Solène et je suis Camerounaise. Je suis sortie depuis 2017 pour aller me chercher en Europe en passant par le désert. Jusqu'à aujourd'hui, ça n'a jamais été facile pour moi. Tout ce que j'ai vécu en route, ça a été vraiment la douleur. Jusqu'à aujourd'hui, ça continue parce qu'on me retourne aujourd'hui au Niger dans le désert. Quand je suis arrivée jusqu'au Maroc, à la frontière du Maroc, ça n'a pas été facile ce qu'on a vu. Mais déjà, nous sommes entrés. Et une fois au Maroc, il n'y a pas le travail pour les immigrants sans papier. Il faut faire ce qu'on appelle chez nous, en bon terme, on appelle ça la mendicité. J'ai fait la mendicité pour pouvoir avoir mon pain quotidien. Ça n'a pas été facile. Je te jures, on va cracher sur toi, qu'on va t'insulter, on va te mépriser (…) pour pouvoir acheter ton pain quotidien. Et après, quand nous sommes sortis pour aller en Europe, je suis quittée de là.
Quand le Maroc a fermé ses frontières avec l'Espagne, je suis sortie pour aller en Tunisie. C'est là où tout a commencé. Quand nous sommes sortis du Maroc, quand nous sommes sortis du côté algérien, les Algériens nous ont pris. Ils nous ont maltraités. Ils ont fait des choses horribles. Quand ils vous amènent dans une salle pour aller vous fouiller, ils disent qu'ils fouillent les femmes. Ils vous mettent nue, même les slips et les soutiens, ils enlèvent tout. Ils vous mettent les doigts aux fesses. Ils disent que vous avez caché l'argent dans les fesses. Et quand ils trouvent votre argent, ils prennent votre téléphone, ils prennent vos cartes SIM. Ils prennent même vos passeports, ils prennent vos cartes, vos pièces d'identité. Ils vous laissent comme ça là, dans la forêt. Ils vous montrent juste la route. Vous passez par là, vous passez comme ça, vous sortez, vous ne savez pas où à quel endroit vous voulez aller. On a vécu tellement de la méchanceté.
Quand j'étais au Maroc, en dehors de la mendicité qu'on faisait pour pouvoir avoir le pain quotidien, peut-être le matin quand tu pars, pour taper, parce qu'on appelle ça la salam, pour taper la salam, c'est là où tu vas voir les hommes méchants, ils vont lancer des mots et tout. Mais on n'avait pas de problème en ce qui concerne le refoulement ou quoi que ce soit, on n'avait pas de problème à cela.
C'est pour ça que nous sommes arrivés, je suis arrivée en Tunisie. Quand j'arrive en Tunisie, c'est pareil, c'est pareil. La méchanceté, on vous arrête, on va vous jeter dans le désert. J'ai perdu une amie dans le désert, parce qu’elle était tellement fatiguée, elle n' avait même pas de l’eau pour boire. Elle est morte, on était obligé de la laisser là-bas. C'est grâce à Dieu si moi particulièrement, je suis vivante. C'est grâce à Dieu, parce que ça n'a jamais été facile.
Avec la méchanceté que les pays arabes, je ne peux pas appeler ça comme ça, les pays arabes nous font subir, au long de notre aventure. Ils vous violent. Moi particulièrement, ils m'ont violée. C'est à la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Quand nous sommes arrivés, quand nous sommes rentrés au Maroc, les Marocains nous ont arrêtés, nous ont remis aux Algériens qui nous ont pris, qui nous ont arrêtés. C'est là où ils sont venus pour nous fouiller, pour voir, comme ils ont l’habitude de le faire (…). C'est comme ça qu'un policier, pendant qu'il est temps de vous fouiller, il a (…)."
Témoignage de la responsable des femmes migrantes nigérianes séjournant à l'extérieur à Assamaka, expulsées d'Algérie
"Je suis la responsable des femmes nigérianes à l'extérieur, pas à l'intérieur. Ils nous ont amenées d'Algérie et nous ont déposées ici il y a plus d'un an. Certaines d'entre nous sont ici depuis 10 mois, d'autres depuis 8 mois. Nous n'avons aucune assistance, aucun logement, rien, rien. Nous n'avons même pas d'endroit où manger. Tout est très difficile pour nous. Nous avons besoin de votre aide, s'il vous plaît. Nous voulons que vous nous emballiez et que vous nous renvoyiez dans notre pays et que vous nous aidiez, que vous nous assistiez afin que nous puissions faire quelque chose.
Nous avons besoin d'un logement dans notre pays et de ce que nous pouvons faire pour assurer notre subsistance. Nous avons de très jeunes enfants ici. Regardez la situation actuelle, les conditions. Nous sommes par temps frais. Notre température n'est pas adaptée à cet endroit. Cet endroit est très frais par rapport au nôtre. Vous pouvez nous aider à cause de nos petits enfants, s'il vous plaît. Nous n'avons pas de nourriture, pas d'abri, rien, rien, pas de logement. S'il vous plaît, vous devez nous aider. S'il vous plaît, pour l'amour de Dieu, s'il vous plaît, s'il vous plaît et s'il vous plaît. Nous avons besoin de votre aide, s'il vous plaît. Nous n'avons rien à faire ici. Ils viennent et nous déposent ici, rien, rien. Nous sommes tous inutiles ici. Personne ne peut nous aider. S'il vous plaît, vous pouvez nous aider, s'il vous plaît. Renvoyez-nous dans notre pays et donnez-nous ce que nous pouvons faire et donnez-nous de l'argent pour acheter un logement afin de démarrer une nouvelle entreprise. S'il vous plaît et s'il vous plaît.
Ici, au Niger, il y a beaucoup, beaucoup d'organisations, différentes, différentes organisations, mais personne ne vient nous voir et nous demander comment nous allons. Nous sommes maintenant dans une situation difficile ici. Et nos enfants, nous sommes tous des mendiants. Nous devons mendier avant de manger pour survivre. Nous devons mendier. Nous et nos enfants, nos petits, petits enfants, deux ans, trois ans, quatre ans, nous devons aller mendier. Nous sommes maintenant devenus des mendiants. Nous mendions pour survivre. Vous devriez tous vous occuper de nous, s'il vous plaît. (.) Nous savons que le Niger est un très bon pays. Ils sont là pour nous aider. Vous devez nous aider. Vous devez examiner notre situation, s'il vous plaît, pour l'amour de Dieu. Aidez-nous, s'il vous plaît. Merci.
Si vous voulez être témoins, je vais vous montrer où nous vivons pour survivre. Dans cette situation, il fait très, très froid. Parce que c'est, je peux appeler ça la saison sèche, et la saison de l'harmattan. Pour que vous soyez d'accord avec ce que je dis, vous devriez me suivre pour aller voir où nous vivons pour survivre.
Venez voir ! Vous voyez ? Venez à l'intérieur et voyez où nous vivons. Vous pouvez entrer. Entrez. Vous voyez où nous vivons. Vous voyez où nous vivons ? Nous et nos tout petits enfants, vous voyez ? Vous devriez nous aider, s'il vous plaît. Voyez où nous survivons. En tant qu'êtres humains, voyez où nous survivons. Et nous sommes des êtres humains. À cause de la pauvreté. Pouvez-vous voir ? Voyez où nous vivons pour survivre. Pouvez-vous voir ? À cause de la pauvreté. Voyez où vivent les Nigérians. Pouvez-vous voir ? Ils sont tous des mendiants. Les gars ! Parce que, ce sont tous nos mendiants.
Nous sommes tous des mendiants. Nous devons mendier pour survivre.
Les hommes ici, ils peuvent être vraiment des centaines. Nos hommes. Les femmes sont presque 140, sans compter les enfants. Les mères sont 140, mais les hommes sont 100, sans compter les enfants. C'est le nombre que nous avons. C'est notre nombre ici maintenant. Presque 140 femmes et nos hommes, moins les enfants. Le nombre de nos enfants, il y en a 250. Nous, les mères, nous sommes 140, nos hommes sont 100. C'est notre nombre. Vous devriez, pour l'amour de Dieu, nous aider."
Témoignage de Norbert, migrant camerounais expulsé d’Algérie
"Moi c'est Norbert, je suis Camerounais, qui a décidé de migrer pour tenter ma chance pour entrer en Espagne, passant par le Maroc. Mais j'ai eu la chance de traverser le Niger, le désert du Niger, comme beaucoup n'ont pas eu cette chance de traverser.
Mais malheureusement pour moi, je suis arrivé en Algérie, où je croyais que c'était un pays merveilleux. Tant que j'avais rêvé, rêvé de ce pays, je croyais que c'était un pays merveilleux où il y a l'hospitalité. Mais arrivés au fond de la frontière du Maroc, l'Algérie nous a arrêtés. Voulant traverser la frontière pour entrer au Maroc, les gendarmes algériens nous ont arrêtés, disant qu'ils vont nous refouler.
A ma grande surprise, nous étions une cinquantaine de personnes. La question que je veux poser un peu à tout le monde qui m'écoute, est-ce que quand une autorité, un gendarme comme en Algérie, 3 étoiles, qui est supposé d’être le capitaine de l'armée algérienne, a-t-il le droit de déchirer le passeport des gens en situation irrégulière ? Là, je ne sais pas. Mais mes chers frères, moi y compris, j'avais un passeport camerounais aussi. Mon passeport a été déchiré. Sous mes yeux, plusieurs de mes frères guinéens, maliens, tchadiens, ont aussi subi le même sort que moi.
A notre grande surprise, nous étions aussi avec les femmes. Les femmes ont été violées. Je ne parle pas parce que je veux saboter l'Algérie. Si quelqu'un doute de ce que j'ai dit, moi je ne sabote pas l'Algérie, mais je veux que le monde entier comprenne que l'Algérie a un système de fonctionnement vis-à-vis des immigrés clandestins, que je ne sais pas si l'immigré est un criminel. Les femmes qui étaient avec nous ont toutes subi le viol. Plus de 30 femmes, toutes ont subi le viol. Celles qui ont échappé le viol, c'est celles qui étaient enceintes. Sous nos yeux. Ce n'est pas qu'on dit peut-être qu'ils vont faire ça derrière. Sous nos yeux. Et moi, ça m'a un peu choqué. Je me suis déshabillé nu devant tout le monde pour revendiquer, pour crier. Mais ils m'ont pris la vidéo. Quand je suis arrivé à la brigade, ils m'ont tapé. Même là où je suis assis, j'ai encore les séquelles, les pieds cassés.
Maintenant, les Algériens, nous croyons que c'est fini. Quand on est en cellule de refoulement. Mais le jour J, avant de nous mettre dans le bus pour nous refouler, on nous passe au scanner. Quand je parle de scanner, ça veut dire quoi ? Un fouille. Un fouille manuel. Ils mettent les gants. Ils te fouillent. Toi, l'homme, moi qui es un homme, on m'a fouillé jusqu'à envoyer les doigts dans mes fesses. Pour chercher quoi ? C'est l'argent qu'on cherche. J'avais 35.000 dinars sur moi. Ils ont pris mes 35.000 dinars. Voilà un peu ce que je veux montrer. J'ai des prothèses dentaires, mais ils m'ont cassé les prothèses dentaires. Comme on voit là. Elles sont cassées. Mes prothèses sont cassées parce que j'ai la nécessité de revendiquer mon droit. J'ai la nécessité de revendiquer mon argent qu’ils ont pris.
Ils ont dit qu'ils vont nous refouler à Assamaka. (…) Moi, je viens de l’Afrique centrale, mon pays n’est pas en désert. Maintenant, je m’y retrouve à Assamaka. Il y a une organisation à Assamaka qui s'appelle le OIM. Je suis arrivé. J'ai tous les frères qui sont enregistrés. Quand on veut rentrer au pays, on t’aide à rentrer au pays. Mais à ma place, c'est tous les gens qui sont déjà là depuis 10 mois. Ils ont fait 10 mois après qu’ils ont signé le retour volontaire pour qu'on les aide à rentrer chez eux.
D'abord les circonstances que nous avons, ça me fait encore réfléchir pour savoir si ces mêmes gens n'ont pas une association financière qui bénéfice de notre image. Ça veut dire quoi ? C'est comme si nous sommes devenus des marchandises. C'est comme si, au 21ème siècle, les immigrés clandestins sont devenus une marchandise.
Quand on était refoulés par les Algériens, ils venaient nous déposer au Niger. Nous sommes au Niger. Nous on a aussi une hospitalité. Que le peuple nigérien sache que nous sommes ses frères. Mais eux aussi, avec le peu des moyens, ils ne peuvent pas nous assister alimentairement. Donc nous sommes dans ce qu'on appelle le calvaire. Un calvaire alimentaire primaire. Donc quand je parle de besoin humain, d'abord c'est s'alimenter. C'est la base de la vie sociale journalière. Je veux dire, ce que nous faisons ici, nous sommes déjà déportés. Le traumatisme que nous avons atteint dans deux ans, il est déjà là.(…) Par exemple, hier soir, il y a une Camerounaise qui est là (…)."