Des personnes expulsées rapportent de violences brutales et de vols commis par les forces de sécurité algériennes.
Depuis la fin du Septembre 2020, les ressortissant-e-s des pays subsaharien qui vivent en Algérie subissent une vague de persécutions et d'expulsions à grande échelle.
Des gens arrivent dans un camp à Agadez le 18 Octobre après d'être expulsé-e-s d'Algérie © Alarme Phone Sahara
Des rafles dans les villes d'Algérie
Ces dernières semaines, des organisations de la défense des droits humains, comme Human Rights Watch (HRW), ont observé des raffles d’arrestation de migrant-e-s dans les différentes villes d'Algérie, entre autres à Oran, Tlemcen, Alger, Blida, Boumerdès, Tipaza, Zeralda, Sétif et Annaba, où des gens ont été pris dans leur domicile, dans la rue et sur leurs lieux de travail. Selon HRW, même des enfants non accompagnés et des enfants séparés de leur famille lors des rafles - certains âgés de moins de 10 ans - ont été détenus et expulsés. L'HCR a aussi confirmé l'expulsion de plus que 80 demandeurs d'asile officiellement enregistré-e-s au bureau de l'HCR à Alger.
Des enfants nigérien-ne-s expulsé-e-s d'Algérie dans un camp à Agadez © Alarme Phone Sahara
Convois d'expulsion officiels et non-officiels
Correspondant aux chiffres de l'organisation "Human Rights Watch", qui estime qu'à peu près 16000 personnes ont été expulsées de l'Algérie au Niger entre Janvier et fin Octobre 2020, les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara (APS) ont compté 9 convois d'expulsions d'Algérie au Niger entre le 30 Septembre et le 27 Octobre 2020, dont 5 "convois officiels" le 2, le 5, le 10, le 16 et le 27 Octobre et 4 "convois non-officiels" le 30 Septembre et le 3, le 8, le 14 et le 25 Octobre. Selon ces observations, au moins 6747 personnes en total ont été expulsées, dont 3880 dans les "convois officiels" et 2867 dans les "convois non-officiels" - toujours prenant en considération que les vraies chiffres de gens concerné-e-s peuvent être plus élevées.
Des migrant-e-s de différentes nationalités, faisant parti d'un group de 270 personnes expulsées d'Algérie à Assamaka, Niger, le 30 Septembre 2020. © 2020 OIM Niger
Le plus grand group parmi les personnes expulsées sont au moins 2974 ressortissant-e-s du Niger qui avaient souvent gagné leur vie dans la migration saisonnière entre le Niger et l'Algérie. D'habitude, c'est eux qui sont expulsé-e-s dans les "convois officiels" à la base de l'accord que les deux pays ont signé en 2014. Dans cette sorte de transport, les forces de l'ordre algériens sont obligées à transporter les gens jusqu'au poste de frontière à Assamaka pour les remettre directement aux forces du Niger.
Par contre, les gens expulsé-e-s dans les convois non-officiels sont déposé-e-s dans la zone frontalière entre l'Algérie et le Niger en plein désert et forcé-e-s à marcher une distance de 15 à 20 kilomètres jusqu' au poste de frontière d'Assamaka. Avec ce pratique, les forces de sécurité algériens mettent la vie des personnes expulsées en danger, risquant qu'elles se perdent en désert. Déjà en 2018, l'état du Niger avait demandé à l'Algérie de mettre fin à ces renvois de ressortissant-e-s non nigérien-ne-s, mais en vain. Les plus grands groups parmi les expulsé-e-s en convoi non-officiel entre le 30 Septembre et le 25 Octobre 2020 étaient, selon les chiffres connues, 1004 citoyen-ne-s du Mali et et 708 de la Guinée Conakry - deux pays où des situations de guerre, de persécution et des crises politiques et socio-économiques poussent beaucoup de gens, surtout des jeunes, sur les routes de la fuite et de la migration. Apart eux, il y avait des ressortissant-e-s de beaup de pays de l'Afrique subsaharienne dans les rangs des expulsé-e-s: Des gens de la Côte d'Ivoire, du Senegal, de la Sierra Leone, du Liberia, du Togo, du Ghana, du Benin, de la Gambie, du Tchad, du Soudan, du Congo Kinshasa (RDC), du Congo Brazzaville, du Nigéria, de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Guinée Bissau, de la Somalie et de la Centrafrique.
La plupart des personnes expulsées d'Algérie vers le Niger se retrouvent dans les camps de l'OIM à Agadez, où beaucoup d'entre eux restent bloquées s'il n'y a ni la possibilité de retourner dans leurs régions ou pays d'origine, ni la possibilité de continuer leur trajet de migration.
Vol et violence contre les personnes expulsées
Des personnes expulsées ont rapporté de graves actes de maltraitement et de vol qu'elles ont subi de la part des forces de sécurité algériennes: Eux tou-te-s relatent que les policiers ou gendarmes ont arraché leur argent et leurs biens personnels, qu'on les a frappé et blessé et d'avoir observé des actes d'abus et de viol surtout contre les femmes expulsées. Certains parlent même de personnes tuées.
© Alarme Phone Sahara
"On nous a frappé, on nous a pris notre téléphone, l'argent que nous on a, on a pris tout.", relate Badra Aliou, un citoyen malien expulsé d'Algérie en entretien avec l'équippe d'Alarme Phone Sahara à Agadez le 18 Octobre.
Un homme ghanaen, aussi à Agadez après son expulsion, qui veut rester anonyme relate le 24 Octobre:
© Alarme Phone Sahara
"Je suis allé en Algérie pour travailler, mais l'Algérie est très mauvaise, à cause de la façon dont ils ont maltraité les gens, ils nous ont maltraités comme des animaux. Même les femmes : Ils les traitent comme des esclaves ! Ils les fouillent, font n'importe quoi avec elles, parce qu'ils veulent les expulser. Et s'ils veulent les expulser, ils ne suivent pas les règles normales. Ils ne font que battre quelqu'un/e. Des tueries. Si vous ne les écoutez pas de manière normale, ils vous tueront. Ils te cassent la jambe, ils prennent tout l'argent qui est avec toi. Ils prennent ta copine, imposent des actes sexuels sur elles. Ils font tout ce qu'ils veulent. Ils s'accaparent de tous vos biens, votre téléphone, tout."
Et un autre homme ghanaen, aussi anonyme, le mème jour:
© Alarme Phone Sahara
"(...) Le plus grand problème que je connais est pour les femmes. Les femmes (...), ils vont juste les rassembler pour coucher avec trois personnes, sept personnes, juste comme ça. Et ils la battent, pour qu'elle doive faire. (...) La police algérienne, les gendarmes, (...) ce sont tous les mêmes. Quand ils vous tiennent simplement, ils commencent à vous battre, à vous gifler, pour savoir où vous avez de l'argent, où vous n'en avez pas, ils commencent à vous battre."
L'état Algérien et sa politique de chasse aux migrant-e-s
Depuis des annés, il y avait plusieurs phases d'expulsions massives d'Algérie vers le Niger et le Mali. L'actuelle vague de raffles, d'arrestations et d'expulsions est un résultat direct de la "réforme migratoire" et de la création d'une commission interministérielle pour lutter contre la "migration irrégulière", annoncée par le ministre algérien de l'intérieur Kamel Beldjoud lors d'une session plénière du parlement le 30 septembre.
Les "mesures complémentaires" annoncées par le ministre comptent des barrages mixtes entre la police et la gendarmerie sur les routes frontalières, la démolition des "habitations anarchiques" abritant des migrant-e-s, comme des hangars ou des chantiers de construction, le démantèlement des réseaux d'accueil de migrant-e-s ainsi que la confiscation automatique de moyens de transport.
D'un part, cette sorte de déclaration de guerre contre les migrant-e-s en Algérie suit l'intérêt des autorités algériennes de réduire le nombre de migrant-e-s et de satisfaire le racisme au sein de la société autochtone. D'autre part, c'est une chance pour eux de se positionner comme des gardien pour le régime frontalier des états de l’Union Européenne. Bien que l'état algérien a refusé jusqu'à maintenant de signer un accord officiel sur les migrations avec les pays de l'UE, sa politique d'expulsion impitoyable le servira comme atout dans les prochaines négociations avec les états européens sur les crédits et les coopérations économiques face à la profonde crise économique.
En plus, la collaboration existe déjà sous forme de livraisons de grandes quantités de marchandises militaires et sécuritaires pour l'armée, la police et la gendarmerie algérienne, comme des technologies de surveillance ou des véhicules de Mercedes-Benz.
E face de ce drame continué:
- Alarme Phone Sahara demande l'arrête immédiat des opérations d'expulsion et de refoulement d'Algérie vers le Niger - non à la guerre aux réfugié-e-s et migrant-e-s!
- Alarme Phone Sahara demande l'arrêt des actes de vol et violence par les forces de sécurité de l'Algérie contre les migrant-e-s et réfugié-e-s!
- Alarme Phone Sahara demande l'arrêt immédiat de la séparation d'enfants de leurs parents et des arrestations et expulsions d'enfants!
- Alarme Phone Sahara demande l'annulation de l'accord d'expulsion entre l'Algérie et le Niger!
- Alarme Phone Sahara demande l'arrêt des livraisons de marchandises militaires et sécuritaires à l'état algérien!
- Alarme Phone Sahara demande l'arrêt de l'externalisation des frontières européennes sur le sol africain!
- Alarme Phone Sahara appelle aux sociétés civiles des pays impliqués et concernés à résister contre les expulsions et refoulements et à défendre la vie, les droits et la liberté de circulation des migrant-e-s et réfugié-e-s!
- Alarme Phone Sahara appelle aussi aux autorités et parlements des pays concernés, entre autres le Mali et la Guinée, de soutenir leurs concitoyen-ne-s et se prononcer contre les expulsions massives de l’Algérie au Niger.
Des rapports dans des médias sur les expulsions d'Algérie au Niger:
En Français:
"Les refoulements des migrants s ’intensifient dans les pays du Maghreb" - sur Libération Maroc
En Anglais:
"Algeria abandons thousands of migrants in the desert" - sur Qantara.de
En Allemand:
"Algerien setzt Tausende Migranten in der Wüste aus" - sur Frankfurter Allgemeine Zeitung
"Algerien setzt tausende Menschen in der Wüste aus" - sur Der Standard