mardi, 16 mars 2021
Des milliers de personnes expulsées d'Algérie vers le Niger et le Mali en quelques jours. 60 personnes tuées dans un accident de bus lors du convoi d'expulsion? On demande la vérité et la clarification!

Les convois officiels et non-officiels d'expulsions massives de l'Algérie vers la frontière du Niger se poursuivent en mars 2021 dans des proportions sans précédent. Après qu'au moins 1054 personnes aient déjà été expulsées les 5 et 11 mars, 2098 personnes de plus sont arrivées au poste de frontière d'Assamaka les 14 et 16 mars après d'avoir été expulsées d'Algérie, selon les Lanceurs d'Alerte d'Alarme Phone Sahara.

Des sources de Gao au Mali rapportent également l'arrivée de 125 migrant-e-s expulsé-e-s venant de la frontière algéro-malienne et nigéro-malienne.

Pendant ce temps, l'Association Agir Ensemble pour lutter Contre l'Immigration Clandestine (AAECC) d'Algérie rapporte qu'un des 82 bus du convoi d'expulsion qui a quitté Alger le 12 mars ait eu un accident sur la route, tuant 60 des personnes qui devaient être expulsées. Cette nouvelle choquante n'a pas encore été confirmée avec certitude.

Alarme Phone Sahara demande la vérité et la clarification de la part de l'État algérien sur ce qui s'est réellement passé dans le convoi d'expulsion qui a quitté Alger le 12 Mars et appelle toute personne qui peut être témoin de ce qui s'est passé de partager leurs informations !

 

   

Police algérienne arrêtant un homme pour l'expulser          Police algérienne expulsant des femmes migrantes

(photo d'une des précédentes opérations d'expulsion)         (photo de fin 2019/début 2020)                                                                                            ©Louiza Ammi/Liberté

 

Pour comprendre les dimensions des dernières expulsions d'Algérie vers le Niger, il faut prendre en compte le nombre énorme et jusqu'alors inconnu de personnes expulsées en une seule fois dans un convoi d'expulsion, avec 82 ( !) bus qui ont quitté Alger le 12 mars :

Arrivée du convoi d'expulsion non officiel le 14 mars 2021

Selon les Lanceurs d'Alerte d'Alarme Phone Sahara, le nombre étonnant de 910 personnes, parmi lesquelles au moins deux femmes et une fille mineure, qui avaient été expulsées dans un convoi non officiel, sont arrivées à Assamaka à la frontière algéro-nigérienne le 14 mars 2021 après d'avoir été expulsées par les forces de sécurité algériennes dans la zone frontalière.

Comme dans d'autres convois non officiels, les victimes de ces expulsions extra-légales sont des ressortissant-e-s de nombreux pays d'Afrique sub-saharienne : Selon les Lanceurs d'Alerte d'Alarme Phone Sahara, les plus grands groupes sont 331 personnes de la Guinée Conakry et 245 du Mali. Egalement 51 personnes de la Côte d'Ivoire, 43 du Burkina Faso, 30 du Nigeria, 60 de la Sierra Leone, 5 du Niger, 21 du Soudan, 30 du Cameroun, 15 de la Gambie, 36 du Sénégal, 21 du Bénin, 15 du Libéria, 3 du Ghana, 3 de la Guinée Bissau et une personne du Togo.

D'habitude, les personnes expulsées dans des convois non officiels sont laissées dans la zone frontalière entre l'Algérie et le Niger, en plein désert, et obligées de marcher 15 à 20 kilomètres jusqu'au poste de frontière d'Assamaka. Avec cette pratique, les forces de sécurité algériennes mettent toujours la vie des personnes expulsées en danger, au risque qu'elles se perdent dans le désert. Déjà en 2018, l'état du Niger avait demandé à l'Algérie de mettre fin à ces expulsions de ressortissant-e-s non-nigérien-ne-s, mais en vain, si bien que les expulsions en convois non officiels se poursuivent maintenant à plus grande échelle que jamais.

La plupart des personnes expulsées d'Algérie vers le Niger se retrouvent dans les camps de l'OIM à Agadez ou dans des "ghettos de migrant-e-s" non officiels, où beaucoup restent bloqués s'il n'y a ni la possibilité de retourner dans leurs régions ou pays d'origine, ni la possibilité de poursuivre leur voyage de migration.

 

Arrivée d'un grand convoi officiel d'expulsion le 16 mars 2021 - des enfants expulsés sans être recencés officiellement

Le 11 mars 2021, un convoi officiel d'expulsion est arrivé à Assamaka avec un nombre considérable d'au moins 1188 personnes, femmes, hommes, filles et garçons mineurs.

Selon les chiffres officiels, 978 d'entre eux sont des citoyen-ne-s du Niger, tandis que 7 personnes (dont 4 femmes et 3 filles et garçons mineurs) viennent du Togo ; 4 personnes viennent du Bénin, deux de la Côte d'Ivoire, trois de la Guinée Conakry, une du Nigeria, une du Mali, une du Cameroun et une de Sierra Léone.

Les Lanceurs d'Alerte d'Alarme Phone Sahara ont rapporté qu'en plus de ces chiffres officiels, au moins 190 petits enfants sont arrivés avec le convoi d'expulsion qui n'ont même pas été comptés dans les chiffres officiels. Le grand nombre de petits enfants qui sont expulsés et qui ne sont même pas recencés officiellement constitue une grave violation de la sécurité et de la protection des enfants, ce qui fait craindre que, dans le pire des cas, des enfants puissent même disparaître au cours de ces convois d'expulsion. Selon Human Rights Watch, des enfants migrants en Algérie avaient déjà été séparés de leurs familles et expulsés seuls lors de précédentes opérations d'expulsion en octobre 2020.

 

Expulsions également à la frontière algéro-malienne

Selon des informations en provenance du Mali, 125 migrants, tous des hommes, qui venaient des frontières algéro-malienne et malienne-nigérienne, ont été reçus par la Direction Régionale de la Protection Civile de Gao, au nord du Mali, dans ses locaux entre jeudi le 18 et samedi le 20 mars 2021. Évidemment, les personnes arrivant à Gao depuis la frontière entre le Mali et l'Algérie y avaient été expulsées par les forces de sécurité algériennes, comme cela s'était déjà produit les années précédentes. Et il est également très probable que la plupart des personnes venant de la frontière entre le Mali et le Niger faisaient partie des groupes qui avaient été expulsés dans les convois d'expulsion d'Algérie vers la frontière du Niger auparavant.

 

L'état Algérien et sa politique de chasse aux migrant-e-s

Depuis des annés, il y avait plusieurs phases d'expulsions massives d'Algérie vers le Niger et le Mali. Les vagues de raffles, d'arrestations et d'expulsions depuis Septembre 2020 sont un résultat direct de la "réforme migratoire" et de la création d'une commission interministérielle pour lutter contre la "migration irrégulière", annoncée par le ministre algérien de l'intérieur Kamel Beldjoud lors d'une session plénière du parlement le 30 septembre.

Les "mesures complémentaires" annoncées par le ministre comptent des barrages mixtes entre la police et la gendarmerie sur les routes frontalières, la démolition des "habitations anarchiques" abritant des migrant-e-s, comme des hangars ou des chantiers de construction, le démantèlement des réseaux d'accueil de migrant-e-s ainsi que la confiscation automatique de moyens de transport. 

D'un part, cette sorte de déclaration de guerre contre les migrant-e-s en Algérie suit l'intérêt des autorités algériennes de réduire le nombre de migrant-e-s et de satisfaire le racisme au sein de la société autochtone. D'autre part, c'est une chance pour eux de se positionner comme des gardien pour le régime frontalier des états de l’Union Européenne. Bien que l'état algérien a refusé jusqu'à maintenant de signer un accord officiel sur les migrations avec les pays de l'UE, sa politique d'expulsion impitoyable le servira comme atout dans les prochaines négociations avec les états européens sur les crédits et les coopérations économiques face à la profonde crise économique.

En plus, la collaboration existe déjà sous forme de livraisons de grandes quantités de marchandises militaires et sécuritaires pour l'armée, la police et la gendarmerie algérienne, comme des technologies de surveillance ou des véhicules de Mercedes-Benz.

 

Au vu de l'intensification dramatique de la pratique d'expulsions par l'état algérien:

  • Alarme Phone Sahara exige la vérité et la clarification de la part l'Etat algérien sur ce qui s'est réellement passé dans le convoi d'expulsions qui a quitté Alger le 12 mars, en particulier s'il est vrai que des personnes ont été tuées dans un accident de bus, et appelle toute personne qui peut être témoin de ce qui s'est passé à partager ses informations!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt immédiat de la pratique d'expulsions d'enfants qui ne sont même pas officiellement recensés, mettant en jeu la sécurité des enfants et risquant des disparitions d'enfants!
  • Alarme Phone Sahara demande de cesser immédiatement de séparer les enfants de leurs parents et de cesser d'arrêter et d'expulser des enfants!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt immédiat des expulsions et des refoulements de réfugié-e-s et de migrant-e-s de l'Algérie vers le Niger - pas de guerre contre les réfugié-e-s et les migrant-e-s!
  • Alarme Phone Sahara demande la fin des actes de vol et de violence des forces de sécurité algériennes contre les migrant-e-s et les réfugié-e-s!
  • Alarme Phone Sahara demande l'annulation de l'accord d'expulsion entre l'Algérie et le Niger!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt de la livraison de matériel militaire et de sécurité à l'état algérien!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt de l'externalisation des frontières européennes sur le sol africain!
  • Alarme Phone Sahara appelle les sociétés civiles des pays impliqués et concernés à résister aux expulsions et refoulements et à défendre la vie, les droits et la liberté de circulation des migrant-e-s et réfugié-e-s!
  • Alarme Phone Sahara appelle également les autorités et les parlements de tous les pays concernés, entre autres le Niger, le Mali et la Guinée, à soutenir leurs citoyens et à ne plus accepter d'expulsions massives depuis l'Algérie vers les frontières du Niger et du Mali !