jeudi, 10 mars 2022
Janvier au Mars 2022: Expulsions massives d'Algérie et de la Libye au Niger

Après qu'en 2021, au moins 25396 personnes ont été expulsé.e.s d'Algérie au Niger dans des conditions misérables et des fois même mortelles, l'année 2022 a de nouveau commencée avec des convois d'expulsions à grande échelle, accompagnés aussi de violations systématiques des droits et de la dignité des personnes concernées.

Les lanceurs d'alerte d'Alarme phone Sahara à Assamaka à la frontière algéro-nigérienne ont compté l'arrivée d'au moins 3376 personnes expulsé.e.s depuis début 2022 jusqu'au 8 Mars.

Appart l'état algérien, les autoritées libéennes ont aussi commencé à expulser des grands groupes de gens vers leur pays voisin, le Niger.

 

 

Convois d'expulsions non-officiels


Arrivée des expulsé.e.s à Assamaka à pied, le 8 mars 2022

 

Selon les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara à Assamaka, des convois d'expulsions non-officiels d'Algérie sont arrivés le 23 Janvier, le 7 Février et le 8 Mars 2022.

Le 23 Janvier 2022, 754 personnes expulsées, parmi eux 3 femmes et 3 garcons mineurs, sont arrivées à Assamaka à pied. Aussi cette fois-ci, les plus grands groupes d'expulsé.e.s étaient 219 Maliens et 244 Guinéens. Apart eux il y avaient 97 ressortissant.e.s du Soudan, 21 du Sénégal, 31 du Burkina Faso, 32 de la Côte d'Ivoire, 18 de la Sierra Leone, 17 du Caméroun, 20 du Bénin, 13 de la Gambie, 17 du Nigeria, 8 du Tchad, 3 du Niger même, 3 de l'Éthiopie, 2 du Liberia, 4 de la Centrafrique, 4 de l'Érytré et une personne Syrienne parmi les expulsé.e.s.

Le 7 Février, c'étaient même 1269 personnes, parmi eux 4 femmes et une fille mineure. Encore une fois, les plus grands groupes étaient 427 ressortissant.e.s de la Guinée Conakry et 424 du Mali. En plus il y avait 119 ressortissant.e.s du Burkina Faso, 39 du Nigéria, 46 du Soudan, 28 de la Gambie, 30 du Bénin, 29 du Sénégal, 27 de la Sierra Leone, 2 de la Guinée Bissau, 7 du Caméroun, 5 du Liberia, 11 du Tchad, 2 du Togo, une personne du Niger et une de la Centrafrique.

Le 8 Mars, c'était un autre group de 810 personnes, parmi eux 15 femmes, 3 filles mineures et un garcon mineur. Les expulsé.e.s étaient 328 ressortissant.e.s de la Guinée Conakry, 274 du Mali, 43 du Burkina Faso, 45 de la Côte d'Ivoire, 26 du Bénin, 21 de la Sierra Leone, 20 du Nigéria, 16 du Sénégal, 13 de la Gambie, 4 du Liberia, 3 du Togo, 3 du Ghana, 2 du Tchad, une femme du Caméroun, un homme du Soudan et un du Niger.

 

Expulsé en désert - la marche dangereuse et épuisante de "Point Zéro" à Assamaka

Régulièrement, les personnes expulsées dans ces convois "non-officiels" sont laissées au "Point Zéro" dans la zone frontalière entre l'Algérie et le Niger, en plein désert. Les expulsé.e.s doivent marcher entre 15 et 20 kilomètres dans le désert afin d'atteindre Assamaka, la première ville nigérienne après la frontière algérienne. Avec cette pratique, les forces de sécurité algériennes mettent toujours la vie des expulsé.e.s en danger.

Selon les observations des gens expulsé.e.s et des lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara, des repères d'orientation ont été installés entre Point Zéro et Assamaka. Malgré tout, dans les conditions imprévisibles du désert, il arrive encore que des personnes perdent leur orientation en marchant. En plus, il y a toujours des personnes blessées, malades et affaiblies parmi les expulsé.e.s qui ne sont plus en mesure de parcourir 15 à 20 kilomètres à pied. Les lanceurs d'alerte d'Assamaka confirment que l'OIM et les Médécins sans Frontières se déplacent d'habitude à chaque arrivé d'un convoi d'expulsion non-officiel pour rechercher ces personnes qui sont restées en arrière ou qui se sont perdues lors de la marche entre Assamaka et Point Zéro. Cependant, la mise en place de l'escorte qu'ils doivent avoir avec eux en raison de leurs règlement sécuritaire fait perdre à chaque fois des heures de temps précieux, ce qui augmente le danger de mort pour ces personnes.

 

Situation actuelle à Assamaka: Interruption des navettes humanitaires entre Assamaka et Point Zero

Les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara informent que le camion utilisé par l'OIM pour sécourir les personnes en difficulté entre Point Zéro et Assamaka soit présentement en panne. À cause de ca, les navettes par L'OIM, les organisations humanitaires présentes à Assamaka et les forces de sécurité soient présentement suspendues.

Pour répondre à ce problème urgent, l'equipe d'Alarme Phone Sahara à loué un véhicule privé pour aller sécourir un malade qui était arrivé avec le convoi d'expulsion non-officiel du 8 Mars 2022 et déposé au Point Zéro.

Pour mieux répondre à des telles situations qui mettent la vie des personnes expulsé.e.s en danger, l'équippe d'Alarme Phone Sahara à Assamaka veut acquérir des véhicules tricycles pour être en mesure de faire des navettes entre Assamaka et Point Zéro en cas de besoin.

 

 

Convois d'expulsion officiels

Selon les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara à Assamaka, des convois officiels qui expulsent seulement des citoyen.ne.s du Niger d'Algérie sont arrivés le 24 Janvier, le 9 Février et le 10 Mars 2022.

Le 24 Janvier, c'étaient 837 personnes dont 49 filles mineures, 56 garcons mineurs, 37 femmes et 695 hommes.
Le 9 Février le grand nombre de 1547 personnes dont 186 filles mineures, 214 garcons mineurs, 173 femmes et 974 hommes.
Et le 10 Mars 1297 autres personnes dont 71 filles mineures, 109 garcons mineurs, 63 femmes et 1094 hommes.

 

Enfants mineur.e.s expulsé.e.s

Ces chiffres montrent, entre autres, qu'il y avait au moins 685 filles et garcos mineur.e.s expulsé.e.s depuis début 2022. Cette chiffre élevée est de nouveau inquiétante, étant donné que des cas de maltraitance et de séparation d'enfants de leurs parents sont régulièrement signalés dans les convois d'expulsion d'Algérie vers le Niger.

 

Nigérien.ne.s expulsé.e.s: Arrivée à main vide, abandonné.e.s par l'état

Un autre grave problème est que depuis 2020, l'état du Niger ne soutient plus ses propres citoyen.ne.s expulsé.e.s d'Algérie pour retourner dans leurs communautés d'origine respectives. Il faut le souligner: Les personnes expulsées d'Algérie vers le Niger arrivent généralement les mains vides, comme l'argent et les objets de valeur leur ont généralement déjà été arrachés par les forces de sécurité algériennes. Dans une situation tellement précaire, il est très difficile pour les nigérien.ne.s expulsé.e.s de financer le voyage d'Agadez, où les convois officiels d'expulsion se terminent généralement, vers leurs villes et villages d'origine respectifs.

Cette situation pitoyable évoque encore une fois la question comment les fonds que l'état nigérien recoit à travers les accords de contrôle migratoire avec l'Union Européenne sont réellement utilisés.

Alarme Phone Sahara critique fortement le fait que l'Etat du Niger ait retiré ce soutien de base à ses citoyen.ne.s qui ont déjà souffert de l'expérience néfaste et traumatisante de l'expulsion. Au lieu de cela, l'état du Niger devrait prendre position contre la politique de persécution et d'expulsion massive de l'état algérien et annuler l'accord d'expulsion qu'il a signé avec l'Algérie en 2014.

 

 

La galère des migrant.e.s expulsé.e.s dans les convois d'Algérie à la frontière du Niger

Selon les descriptions de personnes expulsées et de chauffeurs, le transport dans les convois d'expulsion non-officiel se passe dans des conditions très dures et violentes:

Transport des centres de détention dans les villes au nord d'Algérie, comme Oran ou Algers, jusqu'à Tamarasset au Sud dans des bus escortés par la police nationale.

Selon de nombreux témoignages de personnes expulsées, il est courant que les téléphones portables, l'argent liquide et tous les effets personnels leur soient retirés avant le transport.

De Tamanrasset à Point Zéro à la frontière du Niger, les gens sont chargé.e.s dans des camions où ils doivent rester à l'arrière du camion pendant des heures, serré.e.s les un.e.s contre les autres, sans possibilité de s'asseoir proprement, avec très peu de pauses, avec des réserves d'eau et de nourriture insuffisantes et sans possibilité d'aller aux toilettes. Des actes de violence par les forces de sécurité sont fréquents dans les centres de détention et aussi pendant le transport.

 

"(...) Au niveau d'Algérie, ils nous ont attrapé, bon. (...) L'argent, portable, tatata, ils ont annulé sur nous et puis ils nous frappent. C'est ca on a vu seulement.", raconte un Monsieur Konaté, migrant malien expulsé dans le convoi non-officiel du 7 Février 2022.

 

"On a très souffert. Depuis qu'on est parti, frappé, il n'y a pas à manger, il n'y a pas de nourriture.", dit un homme expulsé dans le convoi non-officiel du 8 Mars 2022:

 Arrivée d'expulsé.e.s à Assamaka à pied, 8 Mars 2022

 

 

Situation précaire à Assamaka

En raison de la pandémie de Covid, les gens qui arrivent à Assamaka avec les convois d'expulsion non-officiels doivent généralement passer un confinement de deux semaines avant d'être enmené.e.s aux camps de l'OIM à Arlit et Agadez.

Quand même, les 1269 personnes arrivé.e.s le 7 Février 2022 avec un convoi d'expulsion dans des conditions très dures et violentes sont resté.e.s bloqué.e.s à Assamaka pendant un mois entier selon le rapport de l'équippe d'Alarme Phone Sahara.

Les gens ne savaient pas pour quelle raison cette durée prolongée à Assamaka leur était imposée et ils se plaignaient de conditions de vie misérables: Manque de nourriture et de soins médicaux et conditions non-hygiéniques dans les douches et les toilettes.

Cela les ait poussé à protester et exiger leur départ vers Arlit au niveau de L'OIM. Les responsables de l'OIM ont répondu à leurs demandes en refusant l'accès au camp de l'OIM pendant trois jours, sans nourriture, sans eau et sans endroit pour dormir.

 

Modibo Fofana, un citoyen Malien expulsé dans le convoi non-officiel du 7 Février, relate ses expériences à Assamaka:

"(...) Parfois, ils disent nous, on va partir aujourd'hui (...). C'est eux qui ont dit deux semaines seulement. Mais nous on a fait ici un mois. Un mois et quelques jours. Et puis, on a raté de manger. Nous, on a fait une semaine, on ne mange pas. Une semaine. (...) Il y a quelqu'un qui est tombé à cause de faiblesse, il ne mange pas. Vraiement, on est trop fatigués. (...)"

Témoigngage de Modibo Fofana, expulsé le 7 Février 2022  

 

Et un autre citoyen Malien, Monsieur Konaté, expulsé le même jour:

"(...) dès qu'on est venu ici, nous avons laissé le confinement de 14 jours. On a fini les 14 jours. On demande le départ. (...) Chaque fois on attend, on ne nous envoie pas. (...) Nous, on demande de partir. Les gens ont fait grêve. Ils nous ont condamné sans manger pour 5 jours. (...) Il faut nous laisser là-bas, c'est mieux que nous déposer dans le désert sans manger, avec la poussière et les moustiques, sans médicaments. (...)"


Témoignage de Mr. Konaté, expulsé le 7 Février 2022

 

Départ des personnes expulsées du 7 Février 2022 vers Arlit un mois plus tard, le 7 Mars:

 

L'expérience d'Assamaka démontre une fois de plus le manque de volonté ou de compétence au sein de l'OIM pour répondre de manière adéquate aux besoins des personnes qui se retrouvent dans leurs institutions après avoir vécu l'expérience douloureuse et périlleuse de l'expulsion d'Algérie.

Alarme Phone Sahara critique également le fait que l'OIM réagit régulièrement aux protestations des personnes expulsées qui se trouvent dans ses installations par des mesures répressives telles que l'exclusion du camp, au lieu de prendre au sérieux les problèmes adressés et de changer les choses dans l'intérêt des personnes concernées.

 

Dernières nouvelles d'Assamaka : Incendie au marché

Le marché d'Assamaka dévasté par le feu le 18 mars 2022

Le vendredi 18 mars 2022, un incendie a ravagé une grande partie du marché d'Assamaka. Le marché est une infrastructure centrale aussi bien pour la population locale que pour les migrant.e.s et autres voyageurs dans cette ville frontalière et pour les personnes expulsées qui y arrivent. Cet événement tragique aggrave inévitablement la situation précaire d'Assamaka. Des membres de l'équipe locale d'Alarme Phone Sahara ont également perdu leur stand dans l'incendie du marché, alors qu'il s'agissait de leur gagne-pain, et espèrent donc un soutien solidaire.

 

 

De plus en plus d'expulsions de Libye vers le Niger

Pendant longtemps, les personnes arrivant au Niger en provenance de Libye étaient principalement, appart ceux qui font des vais et viens normaux et réguliers entre les deux pays voisins, des migrant.e.s et des réfugiés évacués par le HCR des camps de détention en Libye ou ceux qui avaient quitté la Libye de leur propre initiative pour échapper aux conditions insupportables et dangereuses qui y règnent.

Ces derniers temps quand même, les informations selon lesquelles l'état libyen - ou ce qui est désigné comme tel - expulse lui-même des personnes vers le Niger se sont multipliées.

Le 4 Mars, par exemple, L'équippe d'Alarme Phone Sahara de la zone de Dirkou et Bilma a observé l'arrivée de 190 personnes expulsé.e.s de la Libye. Parmi les expulsé.e.s étaient 110 personnes du Nigéria, dont 80 femmes, 79 du Niger et une personne du Ghana.

 


Au vu de tout ca, Alarme Phone Sahara continue d'exiger:

⦁ L'arrêt immédiat des expulsions et des refoulements de réfugié-e-s et de migrant-e-s de l'Algérie et de la Libye vers le Niger et d'autres pays voisins!

⦁ L'annulation de l'accord d'expulsion entre l'Algérie et le Niger!

⦁ L'arrêt immédiat des expulsions d'enfants et de la séparation d'enfants de leur parents!

⦁ La fin des actes de vol et de violence des forces de sécurité algériennes contre les migrant.e.s et les réfugié.e.s!

⦁ L'engagement de l'état du Niger pour la défense de ses citoyen.e.s qui subissent des persécutions, des violations des droits humains et des expulsions en Algérie et Libye!

⦁ Stop aux politiques de l'externalisation des frontières européennes sur le sol africain!