lundi, 13 avril 2020
Niger: Refoulements et confinement sous le signe de la crise de Covid-19

La situation face à la crise de Corona produisse également de nouveaux défis et de nouvelles souffrances pour les personnes sur les routes de fuite et de migration au Niger, car les frontières sont fermées et un bon nombre de personnes restent bloquées dans les camps et les centres de transit de l'OIM et du HCR.

 

Des migrant-e-s arrêté-e-s à la frontière Niger-Libye et ramené-e-s à Agadez

Le 2 Avril, l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) avait rapporté que plus de 250 migrant-e-s avaient été abandonnés par leurs passeurs en plein désert, à la frontière entre le Niger et la Libye. Selon l'OIM, après de leur fournir de la nourriture et de l'eau, les personnen migrant-e-s étaient transféré-e-s vers un stade de football d'Agadez pour une période de quarantaine de 14 jours alors que le Corona virus se propage au Niger.

© Info Migrants

Des migrant-e-s "abandonnés par leurs passeurs" selon l'OIM, mais intercepté-e-s par les forces de sécurtité selon les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara

 

Les rapports des lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara donnent quand même une image différente de ce qui se passe dans la zone frontalière: Selon eux, les migrant-e-s étaient en route vers la Libye, mais l'accès au territoire libéen leur a été refusée par les services de sécurité libyens en raison des mesures sanitaires contre le Corona virus. Revenu-e-s en territoire nigérien, ils avaient tenté de rebrousser chemin vers la Libye, mais les éléments de forces de sécurité nigérienne les avaient intercepté et ramenés jusqu'à Dirkou, département de Bilma. Les véhicules qui transportaient les migrant-e-s étaient immobilisés au commissariat de Dirkou et les 11 chauffeurs arrêtés en garde à vue dont on ne sait pas pour combien de temps.                                     

Il était confirmé que les passagèr-e-s étaient transféré-e-s à Agadez, mais les conditions dans lesquelles ils étaient transporté-e-s et hébergé-e-s depuis lors restent à être clarifiées.

En tout cas, la question se pose pourquoi l'OIM, dans son récit des événements, culpabilise les passeurs qui auraient abandonné les gens dans le désert, alors que selon les rapports des lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara, les migrant-e-s étaient plutôt arrêté-e-s par les forces de sécurité et ramené-e-s par force. Et a quel niveau ce récit de l'OIM correspond avec une agenda politique qui cherche à criminaliser la migration dite "irrégulière" au lieu de défendre les droits des personnes sur les routes de migration.

 

Fuite de migrant-e-s confiné-e-s au stade de foot d'Agadez

Selon Aïr Info Agadez, le 10 avril 2020 quarante trois personnes parmi les 250 migrant-e-s confiné-e-s depuis une semaine au Stade régional Sidi Mohamed d’Agadez ont fui le site. Ils faisaient parti des gens qui ont été expulsées de la frontière libyenne début Avril avant d’être acheminées à Dirkou puis à Agadez par l’OIM.

 Il y reste à chercher mieux savoir ce qu'étaient les raisons concrètes pourquoi les migrant-e-s ont décidé de fuir. Quand même, la fuite de 43 personnes donne une forte impression que le confinement au stade d'Agadez des personnes refoulées de la zone frontalière se déroule dans des conditions de manque de transparance et manque de respect de leurs droits. Même si une mesure de quarantaine peut être nécessaire au moment de menace de pandémie, ces mesures devraient se faire d'une manière respectueuse, transparente et compréhensible et en coopération avec les personnes concernées, pas contre eux. Autrement, ce que montre cette fuite, le risque augmente que les mesures nécessaires pour prévenir la propagation de Covid-19 échouent en raison du manque d'implication des personnes concernées.

 

Des migrant-e-s refoulé-e-s d'Algérie, après confiné-e-s à Assamaka, maintenant souffrant-e-s avec des perspectives incertaines

Les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara rapportent que depuis le 19 mars 2020, au moins 667 migrant-e-s refoulés d'Algérie étaient bloqués à Assamaka et isolé-e-s dans le hangar de l'OIM, où ils ont passé une quarantaine de deux semaines sur la base des règlements de prévention contre la propagation du Corona-virus.

A leur arrivée le 19 mars, les personnes refoulé-e-s, comme d'habitude dans ces cas, étaient déposé-e-s au "point zéro" dans le désert à la frontière algéro-nigérienne pour se rendre à Assamaka à pieds. Dans le convoi d'expulsion il y avait, selon les chiffres disponibles, 291 citoyen-ne-s du Niger, 24 Camerounais-e-s, 27 Ivoirien-e-s, 140 Malien-ne-s, 19 Nigérian-ne-s, 101 citoyen-ne-s de la Guinée-Conakry, 13 Sierra Léonais-e-s, 17 Gambien-ne-s, 11 Sénégalais-e-s, 3 Togolais-e-s, 5 Soudanais-e-s, 2 Libérian-ne-s, 4 Ghanéen-e-s, 5 Béninois-e-s et 5 Burkinabè. Apart les Nigérien-ne-s, les citoyen-ne-s du Mali et de la Guinée-Conakry étaient de loin les groupes les plus nombreux parmi les personnes refoulé-e-s, une tendance observée depuis un certain temps dans les expulsions d'Algérie. 

Selon les informations disponibles à ce jour, les personnes expulsé-e-s, après la fin de la quarantaine de deux semaines, étaient emmenés à Arlit et à Agadez par l'OIM.

Il reste à clarifier: Dans quelle sorte de logement est-ce que les personnes refoulé-e-s se ont été hébergé-e-s, dans quelles conditions est-ce qu'elles vivent actuellement, à quel niveau est-ce que leur santé est protégée contre les risques imposés par Covid-19 et à quel niveau est-ce que leurs droits sont respectés ou non?

Galius Moumouni Efouad, un homme ghanéen qui était parmi le group des personnes expulsées d'Algérie, confinées à Assamaka et qui est maintenant au centre de transit de l'OIM à Arlit, a souligné dans son témoignage devant Tcherno Abarchi, lanceur d'alerte d'Alarme Phone Sahara:

"Maintenant, nous n'avons plus rien pour nous, nous souffrons tous en fait. Nous ne savons pas ce que nous allons faire maintenant. Nous avons besoin de soutien partout où nous allons maintenant, parce qu'ils nous ont pris tout notre argent, c'est beaucoup qu'ils nous ont pris. Ils nous volent tout en Algérie, surtout la police."

 

Pour Alarme Phone Sahara et pour tous ceux qui défendent les droits des migrant-e-s et les droits humains et sociaux dans les pays sahélo-sahariens, la situation actuelle pose de nouveaux défis à tous les niveaux: Comment est-ce que les droits des migrant-e-s et réfugié-e-s sont respectés ou baffoués en face de la crise de Corona? Est-ce qu'il y a aucune sorte de protection efficace contre la propagation du Corona virus pour les réfugié-e-s et migrant-e-s qui sont bloqué-e-s dans les camps et les centres de transit de l'OIM et de l'HCR? Qu'est-ce que le renforcement actuelle des fermetures de frontières entre les états africains à la suite de la crise de Corona signifie à plus long terme pour la lutte pour le droit à la liberté de circulation? Et quelles seront les conséquences au cas que le Corona virus se répand à grande échelle au Niger et dans les autres pays du Sahel - des pays où la situation socio-économique de la population est déjà précaire et les systèmes de santé publique sont déjà fragiles, sous-financés et mal équipés?