vendredi, 29 janvier 2021
Soubresauts du retour de 172 ressortissant-e-s malien-ne-s expulsé-e-s d’Algérie

Reportage sur l'histoire de 172 personnes du Mali qui ont été bloquées à Agadez / Niger après avoir été expulsées d'Algérie et ont eu de gros problèmes avec la façon dont l'OIM a géré leur hébergement et leur retour au Mali.

Malgré tous les espoirs fondés sur l’année 2021, l’Algérie reste tranchée sur sa position d’expulser de son sol les personnes ressortissantes de l’Afrique Subsaharienne. C’est dans ce sillage qu’une vague de 172 personnes d’origine malienne se sont retrouvées sur le sol nigérien dans un convoi dit « non officiel ». Placées sous la responsabilité de l’organisation internationale pour les migrations (OIM), ces personnes ont suivi un trajet dramatique ayant pris près d’une semaine qui finit par intriguer le réseau Alarme phone Sahara (APS). Plus d’impression à travers la genèse des faits:

 

La responsabilité de l’OIM

Une fois au Niger après leur expulsion d’Algérie, les migrant-e-s sont placés sous la responsabilité de l’OIM à travers ses structures d’Assamaka (frontière nigéro-algérienne), d’Arlit et d’Agadez. La menace de la pandémie du corona virus exige des tests de contrôle et de précaution de mise en quarantaine. Il ressort que certains soient suspectés d’être positifs au Covid-19 et devraient subir des traitements alors que ceux certifiés négatifs seraient soumis à un traitement pour éviter de propager la maladie. Eu égard au principe du soit-disant "retour volontaire", un vol charter est affrété pour le transport au bercail. C’est le début de la confusion qui fait de la question, un évènement inédit qui défraie la chronique.

Au début, les migrant-e-s malien-ne-s refusaient de monter le vol charter organisé par l'OIM en disant qu'ils n'allaient pas rentrer au Mali sans leurs camarades malades. L'OIM a alors déclaré qu'elle ne se sentait plus responsable du cas des migrant-e-s malien-ne-s. Le responsable du camp de transit où l'OIM les avait placés leur demande alors de déguerpir de leur lieu d’hébergement.

En conséquence de quoi, hommes, femmes et enfants de la communauté malienne se retrouvent dans la rue à quelques centaines de mètres du camp OIM d’Agadez. Une vidéo rend compte à l’opinion de leurs conditions de vie. La branche d'Alarme Phone Sahara du Mali (leur pays d’origine) se saisit du cas et appelle la branche du Niger à s’investir pour une issue favorable de la situation.

 

 

 

L’implication d’APS Niger à la cause des migrant-e-s malien-ne-s

Une fois la coordination d'Alarme Phone Sahara à Agadez (Niger) en possession du cri de détresse des migrant-e-s malien-ne-s, elle s’est engagée à analyser le contenu de leur message vidéo diffusé en langue bambara. Une investigation est initiée. Le lanceur d’alerte d’Alarme Phone Sahara Agadez en la personne d’Oumarou Maman Hadi procède alors à la vérification des faits rapportés par le délégué des ressortissants maliens.

Oscar Safari, chef sous-bureau OIM Agadez, explique de fond en large la genèse des faits (ref. Audio et photos de l’interviewé). Par la suite, le Lanceur d'Alerte rencontre les manifestant-e-s malie-ne-s positionnés sur le terrain. Au même moment, certain-e-s habitant-e-s du quartier où les gens se sont retiré-e-s après d'être délogé-e-s du camp de l'OIM commencent à se plaindre de la cohabitation avec des voyageurs "de culture et mœurs différents" allant jusqu’à solliciter le concours d’autres structures communautaires pour les libérer de ces voisins inopinés. Face à la nouvelle tournure que prennent les événements, les délégué-e-s malien-ne-s initient une lettre d’excuse à l’endroit de l’OIM en vue de l’emmener à reconsidérer sa position et trouver une solution pour leur situation. Cette démarche ne produit pas les effets escomptés. Une autre action d’Alarme Phone Sahara au-delà de celle du lanceur d’alerte est par conséquent entreprise.

 

Membres de la coordination d'Alarme Phone Sahara (APS) et délégués des maliens en consultation

Avec l’implication de Sadio Diallo, lui-même migrant et lanceur d’alerte d’APS, il a été possible pour la coordination d'Alarme Phone Sahara d’être sur le terrain de retraite des migrant-e-s malien-ne-s en vue d’une facilitation de leur situation le 04.02.2021. Ce geste est apprécié à sa juste valeur par les malien-ne qui laissent entendre que leur attitude assez médiatisée ne cherche pas à discréditer l’OIM. Dans le même ordre d’idée, ils ne visent pas un seul instant à créer des incidents diplomatiques entre le Niger et le Mali. Cela justifie leur lettre adressée à l’OIM.
Les malien-ne-s communiquent un numéro de téléphone pour continuer les échanges. La délégation d'Alarme Phone Sahara prend congé des délégué-e-s des malien-ne-s avec une invitation pour 20 personnes aux activités de CommémorAction du 06 février 2021 prévues se tenir au bureau APS d’Agadez pour approfondir les réflexions. La veille de la journée de CommémorAction, un appel téléphonique pour la confirmation de leur présence renseigne qu’ils ont quitté la ville d’Agadez pour Niamey à bord de bus mobilisés par le gouvernement malien selon des sources bien informées. Un des délégué-e-s malien-ne-s, promet de rappeler APS une fois arrivé à Niamey. Cela n’a pas eu lieu. A l’heure actuelle, l’interlocuteur reste injoignable. Quand même, des activistes au Mali confirment l'arrivée d'un group de personne malien-ne-s qui étaient au Niger après leur expulsion d'Algérie.

 

Synthèse

La solidarité internationale a prévalu tout au long du processus en lien avec la question de retour des 172 ressortissant-e-s malien-ne-s expulsé-e-s d’Algérie. Les réseaux Alarme Phone Sahara Mali, Niger et Afrique-Europe Interact se sont mobilisés autour de la question. Tout en espérant prompte rétablissement aux malades, le souhait est de savoir le grand groupe bien rentré au bercail. A l’issue d’une réunion téléphonique d’une instance d’APS, il est convenu d’associer les structures d’activistes malien-ne-s pour un suivi du retour des expulsés du Mali en dépit de toutes les péripéties rencontrées.

 

 

 

En plus, le cas du group des 172 malien-ne-s expulsé-e-s d'Algérie au Niger montre:

⦁ Il faut condamner fermement le fait que l'Algérie continue d'expulser des citoyen-ne-s de divers pays africains dans des convois dits "non officiels" vers la frontière nigérienne, ce qui les met en grande détresse.

⦁ Il est inacceptable que l'OIM fasse dépendre l'hébergement et la prise en charge des migrant-e-s de leur acceptation d'un soi-disant "retour volontaire".

⦁ Si des migrant-e-s expulsé-e-s veulent rentrer dans leur pays d'origine, comme c'état les cas avec le group des 172 malien-ne-s, le transport doit être organisé dans des conditions dignes et transparantes, en impliquant les personnes concernées et leurs besoins, et non dans des conditions d'impositions.

⦁ Même si les 172 malien-ne-s ont tous pu rentrer au Mali, Il est à craindre que des telles situations ne se répètent tant que des personnes seront expulsées au Niger et y resteront bloquées.