240 personnes refoulées d’Algérie sont arrivées à Agadez le 20 juin 2020 par convoi appelé « officiel ». Dans ce group il y avait 4 femmes, 6 filles mineures, 194 hommes et 37 garçons mineurs. Elles ont toutes été placées dans un camp situé à une quinzaine de kilomètres du centre ville d’Agadez pour des raisons sanitaires. Deux lanceuses d’alerte sous la direction de Moctar Nalosso se sont rendues sur le lieu d’hébergement des refoulés pour apprécier les conditions d’arrivée et de séjour de ces personnes. Yahaya Oumarou, ayant accepté d’être interviewée, parle des conditions de son voyage forcé:
Interviewé : Yahaya Oumarou
Intervieweur : Safia Ayouba
Traduction et montage : Nalosso Moctar
"(...) Je m'appelle Yahaya Oumarou originaire de la région de Tahoua (Niger). Je suis parti en Algérie pour chercher de l'argent. En plein Sahara, les forces de sécurité d'Algérie nous ont rapatriés. Nous sommes au nombre de sept (7). Ces hommes ont utilisé l'arme pour nous immobilier. Nous avons abandonné tous nos biens (argent, portable, nourriture) en brousse. Nous avons été retenus dans leur camp durant 48h sans rien manger. Les demandes de quoi que ce soit (à manger ou à boire) sont répondues par des châtiments corporels. Après ils nous ont transporté en ville au camp de la gendarmerie algérienne où un groupe de 20 personnes ont été constitués pour nous donner de la pâte alimentaire. Nous avons deux minutes pour finir de manger en position debout. Ensuite, nous étions conduits au stade. On nous a tous mis en rangs comme des écoliers devant une salle de classe sans droit de faire autre chose. Celui qui ose faire quelque chose risque de gros ennuis. Même aller aux besoins naturels est réprimandé. On nous force même à dormir.
Le pire est lorsqu’ ils nous ont transportés aux postes de la police et de la gendarmerie algériennes. Nous étions environ une centaine placés dans des grillages. C’est là que nous répliquions quand on nous frappait. Cela nous a permis de nous imposer. Les policiers ont alors temporisé pour nous demander de nous calmer.
Nous avions ensuite été transportés à Tamanrasset. On a souffert plus qu’aux précédentes étapes pendant plus d’un mois. Des personnes parmi nous étaient blessées de suite de torture. Au cours du ramadan nous mangions une seule fois par jour au coucher du soleil uniquement. On a tout vécu et enduré jusqu'à notre arrivée sur notre territoire. Nous remercions Dieu d’être aujourd’hui sur le sol nigérien. Hélas ! Personne n'est arrivé ici avec des biens. (...)"