mercredi, 25 août 2021
Genèse d'un parcours migratoire sur les routes du Sahara

L'histoire de 16 jeunes migrants guinéens expsulés d'Algérie au Niger, leur retrour en Guinée et les nombreux problèmes avec l'OIM auxquels ils ont été confrontés au cours de leur pénible parcours.

 

Genèse d'un parcours

Des jeunes guinéens se rappelleront longtemps de leur vécu au cours de leur migration. Comme beaucoup de jeunes subsahariens, 16 de nationalité guinéenne font partie de ces violentes et illégales vagues de refoulement de l’Algérie pour se retrouver au Niger, et ce malgré l’attachement à la Convention de Genève sur le statut de réfugié et la ratification de l’Algérie de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, lui interdisant en son article 12, toute expulsion visant des groupes nationaux, raciaux, ethniques ou religieux. En 2020, malgré l’imposition de la crise de Corona aux états de fermeture des frontières, l’Algérie à refoulé plus de 24.000 subsaharien.ne.s, et de janvier à Août 2021 plus de 15000. Régulier dans ses services de retourner les migrant.e.s dans leurs lieux d’origines, l'organisation internationale pour les migrations (OIM), à travers son programme «aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR)» les a accueillis de la frontière nigéro-algérienne jusqu’à Agadez, dans son centre de transit en vue de les acheminér dans leurs pays d’origines.

Début d’un autre calvaire
Apres le trauma du refoulement, au cours de leur séjour dans le camp de transit qui dura 3 à 4 mois, certains des 16 guinéens ont été testés positifs au COVID-19 et donc internés à l’hôpital régional d'Agadez pour raison de soins et d’observation de la quarantaine. Cela rentre dans la logique de la gestion des cas de malades du covid19 et leurs contacts. Alors, apres traitement et observation de la quarantaine, les tests suivants s’étant avérés négatifs, les jeunes ont émis le désir de rejoindre leur groupe dans le centre de l’organisation sachant qu’une vague de départ est prévu en ces moments. Sans réponse à leur requête et face au mépris dont ils sont victimes, quelques d'entre eux ont réagi en posant un acte qu’on peut qualifier de vandalisme, pas réellement pour détruire les biens publics, mais plutôt pour se faire entendre car vraisemblablement c’est la seule option pour eux de se faire écouter. Effectivement cette manifestation a donné son fruit car aussitôt les responsables du centre de santé et de l’OIM se sont présenté et aussi les autorités locales. Mais malheureusement, cela a été mal interprété par les responsables. En conséquence tout le groupe des 16 s'est vu expulsé du centre de santé et refusé d’accéder au camp de l'OIM, ainsi se retrouve sans abris, dans les rues d’Agadez, en saison hivernale (…) et sans assistance.

 

Alarme Phone Sahara (APS) intervient

Informé de la situation, le réseau transnational « APS » joue aux bons offices. Des témoignages vidéo publiés font cas du vécu de ces voyageurs. Le souci était d’alerter l’opinion publique et de trouver une solution pour faciliter le retour au bercail de ces jeunes. Malheureusement, cela n'a pas eu les retours escomptés donc les jeunes continuent à errer dans la ville d’Agadez. Par le principe fondamental de APS, de ne pas encourager les départs mais aussi de ne pas décourager les candidat.e.s à la migration, mais juste de donner à l’humain sa valeur et son droit quel qu’il soit sa situation et faute de pouvoir les héberger, APS les ont admis au programme des séances hebdomadaires de cuisines qu'elle organise pour les migrant.e.s dans ses locaux. En plus, ils bénéficient de l'assistance alimentaire mensuelle qu'offre toujours APS aux communautés de migrants bloqués à Agadez.

 

Réadmission au camp sous condition

Après plusieurs tentatives de médiations entre les jeunes et les responsables du camp, le compromis fut d'exiger à ces jeunes d’adresser des lettres d'excuses aux responsables de l'OIM et de l’hôpital. Ce qu'ils ont accepté de faire et l’on exécuté. Devant le retard de réponse, 4 parmi eux pensant être à la base de cette situation ont décidé de quitter le groupe et continuer leur périples à leur risque et péril. Cette situation de « mi-figue, mi-raisin » révèle une sorte de contradiction dans la mission de l’OIM qui clamait à qui voulait l’entendre le principe d’assistance aux migrants qui désirent volontairement retourner dans leurs pays d’origine. 

 

Démarches en Guinée
La mobilité humaine étant normale et naturelle a fait coïncidemment qu’un membre de la coordination d’APS se trouvant à Conakry pendants ces moments, a donc entrepris des démarches pour voir dans quelle mesure, une solution peut être trouvée pour ces jeunes à partir de leur pays d’origine. Ce qui fut vain, et obligé ce militant à se diriger vers l’OIM Guinée le 27 Juillet pour dans un premier temps savoir s’ils sont au courant de la situation, sinon les alerté en vue de les faire réagir. Ce qui sort de l’entretien semble affirmer que la branche de l’OIM dans leur pays d’origine n’était pas au courant. Mais la délicatesse de la situation appuyée par les vidéos partagées avec eux, a suscité l’intérêt de l’organisation et ont promis de prendre attache avec leurs collègues du Niger pour en savoir plus. Une semaine plus tard, dans un second entretien, l’OIM Guinée à informé que des gens de leur staff sont momentanément au Niger et qu’ils tenteront de trouver une issue.

 

Retour en Guinée
Le 19.08.2021, un vol affrété par l'OIM assure le voyage d'Agadez à Conakry de 125 guinéen.ne.s parmi lesquels les 12 en brouille avec l’Organisation. Une communication avec la coordination APS rassure que ces 12 sont bien arrivés à l’aéroport international Gbessia de Conakry. Mais le comble est que à leur arrivée, dès dans le hall de l’aéroport il est procédé un appel faisant cas appart de ces 12 jeunes, comme quoi, pour sanction, ils bénéficieront juste du transport qui les a acheminés au pays, mais ne rentrent pas dans le programme de réintégration sociale de l’agence onusienne. Normalement, à l’arrivée à Conakry, chaque migrant.e bénéficie de la somme de 500.000 FGN (43 €), d’un téléphone portable pour se mettre en contact avec sa famille et une carte numérotée pour la suite de l’assistance. De fait, les 12 jeunes dont on fait cas ici, n’ont reçu que les sommes d’argent mais pas de téléphone ni de carte, ce qui confirme vraiment leur expulsion au programme de réintégration. Mais le représentant d'APS, toujours en Guinée a eu une séance de discussions avec 3 d'entre eux à Conakry pour mieux cerner leur situation et les accompagné à faire les démarches pour rentrer dans leur droit.

Cependant, une question reste en suspens sur les conditions de réintégration socioéconomique de ces migrants ayant accepté contre leur gré de rentrer au bercail après avoir tout perdu en raison des péripéties connues lors de leurs mouvements à travers, villages, villes, frontières et pays. Restreindre la liberté de circuler aux personnes en quête de meilleures conditions de vie et les exclure de la possibilité de bénéficier du fonds de réinsertion, fait penser que la politique de l’OIM qui vise le « retour volontaire » est une option unique qui n’offre pas d’autre choix en dépit des violences endurées au cours des parcours.

    

La liberté de la circulation soumise à rude épreuve

L’expérience des 16 guinéens relance le débat sur le rôle des organismes internationaux et les Etats à l’égard des droits fondamentaux des personnes, notamment celui de la liberté de circulation. Ici la partie la plus visible des atteintes à ce droit est déjà le conditionnement de l’assistance de l’organisme international en charge des migrations à l’acceptation de retourner dans leurs pays d’origine sans considérations aux situations qui y prévalent. Dans de cas précis, le programme d’assistance dénommé Aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR) ou le caractère ‘volontaire’ est à mettre en question, ne devient-elle pas seulement un programme de transport au bercail pour d’autres?

APS reste et demeure sur son principe de promotion de droits des personnes. Notre réseau est convaincu que l’OIM ne prête pas l’attention requise aux migrant.e.s. Au contraire, elle se plaît à faire valoir sa logique de traque en jouant le rôle de gendarme au service de l’union européenne (UE) comme il ressort dans nombre de cas où des voyageurs subissent le diktat des politiques d’externalisation à travers le monde.

APS soutient la liberté de circulation pour toute personne qui le désire.  C’est  alors l’occasion d’interpeller toutes les organisations humanitaires à œuvrer pour la cause qui prédestine leur création.

 

Promouvoir la migration circulaire

APS reste dans son ultime conviction que le respect de la migration circulaire est une solution à privilégier au détriment de la fermeture des frontières qu’imposent l’Union Européenne (UE) et ses valets. A l’aveuglette, des décisions sont exécutées par des dirigeant.e.s de certains Etats dont le dessein est de se percher au sommet du pouvoir et observer sans aucune gêne les inégalités sociales qui y prévalent. Une relecture du droit international peut servir à recadrer les pensées des leaders du sud aussi bien que ceux du nord. APS n’encourage point les voyages à risques mais s’attache à la levée des barrières qui restreignent les mouvements de personnes si tant est qu’aucune disposition pratique n’est prise pour éradiquer les causes de la migration qui d’ailleurs ne sont plus un secret pour personne.