vendredi, 10 mai 2024
Mai 2024 : 8 personnes migrantes décédées à Assamaka à la frontière nigéro-algérienne

Entre les 9 et 13 mai 2024, 5 personnes sont mortes suite à l’expulsion d’Algérie et 3 personnes, parmi elles une petite fille âgée 3 ans, au dispensaire d’Assamaka. Alarme Phone Sahara (APS) dénonce la mort de personnes migrant.e.s provoquée par des expulsions dans des conditions violentes et inhumaines.

 

 

10.05.2024: Les équippes d'APS et MSF aident à sécourir des rescapé.e.s du convoi d'expulsion et à récupérer les corps des personnes décédées

 

Le 9 mai 2024, un autre convoi d’expulsion « non-officiel »d’Algérie est arrivé à la frontière algéro-nigérienne et a déposé les personnes expulsées au Point Zéro à 15 km du village frontalier d’Assamaka.

À la suite de l’arrivée du convoi d’expulsion, l’équipe d’Alarme Phone Sahara d’Assamaka était sur place quand les corps de 5 personnes décédées, parmi eux un homme burkinabè et 4 hommes maliens, ont été trouvés entre Point Zéro et le village d’Assamaka : trois sur la route et les deux autres découvertes hors de la route, apparemment égarées pendant la marche.

"Il faisait très chaud quand ils ont été déposés au « Point Zéro » au milieu du soleil et au milieu du désert", rapporte un membre d'Alarme Phone Sahara.

L’équipe d’Alarme Phone Sahara d’Assamaka, en coopération avec Médecins sans Frontières (MSF), assistait à secourir les rescapé.e.s du convoi d’expulsion et à récupérer les corps des personnes décédées.

Pendant la même période autour le 12 mai 2024, trois autres personnes ont perdu la vie au CSI (Centre de Santé Intégré) d’Assamaka, parmi elles un ressortissant du Niger, un homme malien et une fillette malienne âgée trois ans vivant avec ses parents dans la localité d’Assamaka dans l’espoir de bénéficier du retour volontaire dans leur pays d’origine. Selon l’équipe d’Alarme Phone Sahara, elles ont été victimes d’un coup de chaleur, étant déjà affaibli.e.s de façon que leur condition physique n’ait pas pu résister aux températures élevées de plus de 40°C.

 

  

Images des personnes trouvées mortes le 10 mai 2024 entre "Point Zero" et Assamaka

Les défunts trouvés entre Point Zéro et Assamaka étaient identifiés d'être : Bilal S., ressortissant burkinabè. Moussa D., Malien de 17 ans. Omar K., Malien de 28 ans. Mohamed T., Malien de 27 ans. Lassina C., Malien de 22 ans. Qu'ils reposent en paix! Nous pleurons les morts et demandons la fin des politiques migratoires meurtrières.

Il n’est pas très aisé pour l’équipe d’APS de connaitre avec certitude la cause principale de la mort dans chaque cas individuel : Est-ce la chaleur actuelle qui aggrave une fois de plus les conditions de vie des migrant.e.s expulsé.e.s à Assamaka situé en plein désert ? Ou alors à quel niveau au-delà de cette situation les défunt.e.s ont été victimes d’actes de violence de la part des forces de sécurité algériennes lors des rafles et expulsions ?

 

Conditions mortelles dans les convois d’expulsions de l’Algérie vers le Niger

En tout cas, il est clair que depuis des années, des témoignages de personnes expulsées d’Algérie vers le Niger montrent qu’après les arrestations dans les centres de rétention et pendant les convois d’expulsion, les personnes expulsées subissent des actes de violence systématiques de la part des forces de sécurité étant frappé.e.s et dépouillé.e.s de tous leurs biens. En plus, les expulsé.e.s sont entassé.e.s dans des conditions inhumaines, d’abord dans des bus et, à partir de Tamanrasset, dans des camions pour être transporté.e.s à travers le désert affrontant  la chaleur du jour et le froid de la nuit selon les périodes de l’année jusqu’à la frontière du Niger.

Cela fait que beaucoup de personnes expulsé.e.s arrivent dans un état critique souvent avec des fractures, malades, affaiblies et traumatisées. Pour les personnes expulsées dans des convois d’expulsion « non-officiels », il s’ajoute la marche à pied sur une distance de 15 km du « Point Zéro » au village d’Assamaka, dans la chaleur et sur une piste de désert où il y a le risque de perdre l’orientation. Dans l’ensemble, il est inévitable que dans de telles conditions, des personnes meurent.

D'une manière générale, Alarme Phone Sahara estime que le nombre réel de personnes qui périssent dans le désert en raison du violent régime des frontières et des expulsions soit nettement plus élevé que ce qu’on arrive à documenter jusqu’à présent.

 

Expulsions massives et continues d'Algérie et de la Tunisie, coopération des états du Maghreb en matière d'expulsions et externalisation du régime frontalier de l'UE

Les cas de décès de 8 personnes à Assamaka se passent à un moment d’expulsions massives d’Algérie au Niger à grande échelle et haute fréquence :

Pendant seul le mois de mai 2024, au moins 4428 personnes ont été expulsées dans plusieurs convois « officiels » et « officieux » entre le 9 et le 26 mai.

Selon les observations de l'équipe d'Alarme Phone Sahara à Assamaka, le nombre total de personnes expulsées d'Algérie vers le Niger depuis le début de l'année 2024 est d'au moins 14328 - un chiffre qui représente le sort humain de 14328 personnes qui ont dû endurer les pratiques cruelles du régime des frontières et des déportations.

Les expulsions massives depuis l'Algérie sont souvent étroitement liées à celles depuis la Tunisie qui ont suscité l'effroi international ces derniers jours et semaines : une fois que les personnes sont expulsées de la Tunisie vers la zone frontalière algérienne, elles sont souvent récupérées par les forces algériennes et expulsées ensuite vers la frontière nigérienne créant ainsi une chaîne d'expulsions à travers plusieurs pays de la région sahélo-saharienne au mépris des instruments juridiques de protection des êtres humains en vigueur.

Tout cela se passe dans un contexte où des gouvernements maghrébins, encouragés par la politique européenne, cherchent à renforcer leur politique anti-migratoire.

Selon des rapports de médias internationaux, le 22 avril 2024, le président tunisien Kaïs Saied s'était mis d'accord avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune et le chef du Conseil présidentiel libyen, Mohamed al-Menfi, pour « réduire le nombre croissant de personnes arrivant d'Agadez » en les « rapatriant ». Il est estimé que ce plan, qui doit être compris comme une réponse à l'abandon par l'état du Niger des politiques et législations anti-migratoires, est aussi soutenu par les pays de l’UE notamment par le gouvernement italien de Giorgia Meloni première ministre de l’Extrême-droite italienne.

 

Appel à l’action :

Alarme Phone Sahara encourage les sociétés civiles et aussi les gouvernements des pays subsahariens et toutes les organisations de défense des droits humains à  se prononcer contre les graves violations des droits humains surtout contre les ressortissant.e.s des pays de l’Afrique Subsaharienne en cours dans tous les pays du Maghreb et avec  la complicité de l'Union Européenne qui est en train d’intensifier l’externalisation de ses frontières.

 

Alarme Phone Sahara demande :

  • Qu’il n’y ait pas d’autres mort.e.s !

  • L’arrêt immédiat des expulsions et refoulements massifs vers les déserts et les zones frontalières !

  • Le respect des droits humains de toutes les personnes en mobilité, les migrant.e.s, les réfugié.e.s et les demandeurs d'asile !

  • L’arrêt des rafles, des arrestations arbitraires et de la violence policière !

  • L’ouverture des voies humanitaires sûres pour toutes les personnes en mobilité, les migrant.e.s, les réfugié.e.s et les demandeurs d'asile à travers  le désert du Sahara et la Méditerranée !

  • L’abolition des accords d’expulsions et de contrôle migratoire entre les pays de la région Sahélo-Saharienne et avec les membres de l'UE en faveur d’une politique basée sur la protection de la vie, des droits, de la sécurité, de la dignité humaine et de la libre circulation de toutes personnes en mobilité !

 

 

Annexe : Chiffres des expulsions d’Algérie au Niger entre 10 et 22 mai 2024 :

 

09.05.2024 : Arrivée d'un convoi d'expulsipon « non officiel ». 5 expulsés, 4 du Mali et 1 du Burkina Faso, retrouvés morts sur et autour de la route entre 'Point Zero' et Assamaka.

Dans ce convoi d'expulsion, 589 personnes, dont 6 garçons mineurs et 583 hommes adultes, ont été déposées au « Point Zéro » pour marcher jusqu'à Assamaka. Parmi elles, 192 personnes originaires du Mali, 156 de Guinée-Conakry, 70 du Burkina Faso, 54 de Côte d'Ivoire, 34 du Bénin, 17 du Nigeria, 16 de Gambie, 15 du Sénégal, 14 de Sierra Leone, 11 du Tchad, 6 du Cameroun, 3 du Libéria et une personne du Ghana.

 

11.05.2024 : Arrivée d’un convoi d’expulsions officiel à Assamaka, composé de 887 ressortissant.e.s du Niger, dont 76 femmes adultes, 118 filles mineures, 581 hommes adultes et 112 garçons mineurs abord de 25 camions et 02 fourgonnettes ,

 

15.05.2024 : Arrivée d’un convoi d’expulsions officiel à Assamaka, composé de 558 personnes, dont 41 femmes adultes, 63 filles mineures, 417 hommes adultes et 37 garçons mineurs.

 

15.05.2024 : 146 personnes expulsées en convoi « non-officiel » et déposées au « Point Zéro » pour marcher à Assamaka à pied. Parmi eux étaient 33 ressortissant.e.s de la Guinée Conakry, 28 du Mali, 23 du Nigéria, 20 de la Gambie, 8 du Sénégal, 11 de la Sierra Léone, 13 du Bénin, deux du Libéria, 5 de la Côte d’Ivoire et 3 du Cameroun.

 

18.05.2024 : 183 personnes expulsées en convoi « non-officiel » et déposées au « Point Zéro » pour marcher à Assamaka à pied. Parmi eux étaient 41 ressortissant.e.s de la Guinée Conakry, 29 du Mali, 3 du Nigéria, une personne du Sénégal, 16 du Bénin, 19 du Cameroun, 12 du Burkina Faso et 8 de la Sierra Léone. .

42 ressortissant.e.s du Tchad, 5 de la Syrie et 7 du Soudan étaient directement renvoyé.e.s vers l’Algérie.

 

20.05.2024 : Arrivée d’un convoi d’expulsions officiel à Assamaka, composé de 562 personnes, dont 24 femmes adultes, 35 filles mineures, 553 hommes adultes et 50 garçons mineurs.

 

22.05.2024 : Arrivée d'un convoi d'expulsion officiel à Assamaka, comprenant 221 personnes du Niger, dont 18 femmes adultes, 22 filles mineures, 165 hommes adultes et 16 garçons mineurs.

 

22.05.2024 : 98 personnes expulsées dans un convoi « non officiel » et déposées au « Point Zero » pour marcher jusqu'à Assamaka. Parmi elles, 38 ressortissant.e.s de Guinée Conakry, 24 du Mali, 4 du Nigeria, 3 du Sénégal, 8 du Bénin, un du Cameroun, un du Burkina Faso, 9 de la Sierra Leone, 4 de la Gambie, 4 de la Côte d'Ivoire et deux du Libéria.

 

24.05.2024 : 267 personnes, dont 3 garçons mineurs et 264 hommes adultes, expulsées dans un convoi « non officiel » et déposées au « Point Zero » pour marcher jusqu'à Assamaka. Parmi elles, 49 ressortissants de Guinée Conakry, 41 du Mali, 10 du Nigeria, 11 du Sénégal, 7 du Bénin, 45 du Cameroun, 24 du Burkina Faso, 23 de la Sierra Leone, 28 de la Gambie et 29 de la Côte d'Ivoire.

 

26.05.2024 : 168 personnes, dont 8 femmes adultes et 160 hommes adultes, expulsées dans un convoi « non officiel » et déposées au « Point Zero » pour marcher jusqu'à Assamaka. Parmi elles, 35 ressortissants de Guinée Conakry, 34 du Mali, 7 du Niger, 15 du Sénégal, 5 du Bénin, 4 du Cameroun, 7 du Burkina Faso, 12 de la Sierra Leone, 8 de la Gambie, 10 de la Côte d'Ivoire, 16 du Nigeria, 4 du Tchad, 10 du Soudan et une personne du Togo.

 

26.05.2024 : Arrivée d'un convoi d'expulsions officiel à Assamaka, composé de 15 camions et de 2 fourgonnettes. Dans ce convoi, 749 ressortissants nigériens ont été expulsés, dont 32 femmes adultes, 67 filles mineures, 553 hommes adultes et 97 garçons mineurs.