Avec l'assouplissement des mesures contre la pandemie de Covid-19, les pays africains ont également commencé à réouvrir leurs frontières aux voyageurs et marchandises. Alarme Phone Sahara (APS) déplore que cette normalisation s'accompagne également d'une intensification des expulsions et refoulements de l'Algérie vers le Niger. Selon des rapports sur des médias sociaux algériens, à peu près 1500 personnes on été expulsé-e-s de l'Algérie dans la première opération d'expulsion de masse à cette grande échelle depuis la crise de Covid-19.
Le bureau d'Alarme Phone Sahara (APS) à Agadez confirme que la reprise des expulsions en masse d'Algérie au Niger ait déjà commencé le 20 Juin, avec l'arrivée de 241 personnes refoulées en ville d'Agadez. Selon Safia Ayouba et Moctar Nalosso du bureau d'APS, toutes les personnes concernées étaient des citoyen-ne-s du Niger dont quatre femmes, six filles mineures, 194 hommes et 37 garçons mineurs. Les gens étaient expulsé-e-s dans un soi-disant convoi officiel convenu entre les autorités algériennes et nigériennes à la base d'un accord entre les deux pays sur le "rappatriment" de migrant-e-s qui vivent en Algérie en conditions dites "irrégulières".
En plus, François Ibrahim, lanceur d'alerte d'Alarme Phone Sahara à Assamaka à la frontière Algéro-Nigérienne confirme qu'un nombre de 683 personnes refoulées soit arrivé à Assamaka le 27 Juillet 2020. Ces personnes aussi sont toutes des citoyen-ne-s du Niger expulsé-e-s en "convoi officiel". Selon l'observation de François Ibrahim, dans ce group de personnes expulsées, il y avait 90 femmes, 60 filles mineures, 75 garçons mineurs et 458 hommes. Parmi ces personnes refoulées le 27 Juillet, environ 423 ont été prises en charge au centre d'accueil d'Assamaka.
François Ibrahim confirme aussi l'arrivée de 361 personnes de différentes nationalités expulsé-e-s dans un convoi non-officielle déjà le 24 Juillet. Dans cette sorte d'opérations d'expulsions, les personnes concernées sont déposées par les forces de sécurité algériennes en désert dans la zone frontalière algéro-nigérienne sans l'implication directe des autorités du Niger. Selon François Ibrahim, dans ce group il y avaient 140 citoyen-ne-s du Mali dont deux femmes, trois garçons mineurs et trois filles mineures; une personne de la Guinée Bissau; 85 personnes de la Guinée Conakry; 6 personnes camerounaises dont une femme; 13 personnes du Sénégal; 6 du Bénin; deux tchadien-ne-s; trois ivoirien-ne-s; 14 burkinabè; 22 personnes du Nigéria; 36 du Soudan; 10 de Sierra Leone; deux de la Gambie; une personne du Gabon; trois du Liberia et 17 personnes du Niger dont un garçon mineur.
Reprise de la violation systématique des droits des migrant-e-s
Alarme Phone Sahara condamne la ré-normalisation de la violation systématique des droits des migrant-e-s en Algérie qui se manifeste sous forme de violences physiques brutales et de menaces envers les migrant-e-s par les forces de sécurité algériennes lors des expulsions.
"(...) Moi j'étais tabassé par les policiers dans la ville avant même qu'ils m'acheminent au site où ils entassent des nombreuses personnes de diverse nationalité. Nous avons fait presque 10 jours en prison. On mange que "la vache qui rit" plus pein une seule fois par jours. Si aujourd'hui vous avez mangé le matin, il faut [attendre jusqu'à] demain dans la nuit. Ils nous ont transporté jusqu'à Assamaka dans des bus où les autorités nigériennes nous ont chargé dans des véhicules d'animaux bien entassées comme des colis. Moi, je n'étais jamais rentré dans ce véhicule.(...)"
"(...) En plein Sahara, les forces de sécurité d'Algérie nous ont rapatriés. Nous sommes au nombre de sept (7). Ces hommes ont utilisé l'arme pour nous immobilier. Nous avons abandonné tous nos biens (argent, portable, nourriture) en brousse. Nous avons été retenus dans leur camp durant 48h sans rien manger. Les demandes de quoi que ce soit (à manger ou à boire) sont répondues par des châtiments corporels. (...)"
"(...) Le pire est lorsqu’ ils nous ont transportés aux postes de la police et de la gendarmerie algériennes. Nous étions environ une centaine placés dans des grillages. C’est là que nous répliquions quand on nous frappait. Cela nous a permis de nous imposer. Les policiers ont alors temporisé pour nous demander de nous calmer. Nous avions ensuite été transportés à Tamanrasset. On a souffert plus qu’aux précédentes étapes pendant plus d’un mois. Des personnes parmi nous étaient blessées de suite de torture.(...)"
Les expulsions de l’Algérie dans leur contexte international
La base institutionnelle pour toutes les expulsions massives de l’Algérie vers le Niger est l’accord bilatéral depuis 2014. Les victimes de cette collaboration sont, d’un part, les citoyen-ne-s du Niger qui pratiquaient la migration souvent saisonnière vers le pays voisin depuis longtemps pour chercher du travail et des sources de revenues. D’autre part, les personnes ciblées sont les ressortissant-e-s de différents pays africains qui sont de plus en plus bloquées en Algérie au cours des dernières années. Les raisons sont la guerre et de la chasse aux migrant-e-s en Libye, la fermeture de la frontière marocaine et en générale tous les pratiques qui cherchent à barrer les trajets migratoires vers l’Europe. L’état algérien, d’un part, poursuit son propre intérêt de montrer une politique de « bras de fer » contre les réfugié-e-s et migrant-e-s et de satisfaire le racisme au sein de la société autochtone. En même temps, il cherche aussi à se positionner comme un partenaire fiable pour le régime frontalier des états de l’Union Européenne. Avec eux, il n’entretient pas un accord officiel de contrôle migratoire, mais reçoit quand même des grandes quantités de marchandises militaires et sécuritaires, comme des technologies de surveillance ou des véhicules du constructeur automobile allemand Mercedes-Benz.
Non au drame continu des expulsions de l’Algérie au Niger
Il est évident : Avec les expulsions de l’Algérie au Niger, il se déroule un drame continu de violations des droits humains des migrant-e-s et réfugié-e-s. Un drame qui cause des mort-e-s, des blessé-e-s et des traumatisé-e-s. Un drame qui est encouragé et orchestré par la politique européenne qui cherche à externaliser son régime frontalier partout dans l’espace sahélo-saharien.
Alarme Phone Sahara appelle aux sociétés civiles des pays impliqués et concernés à résister contre les expulsions et refoulements et à défendre la vie, les droits et la liberté de circulation des migrant-e-s et réfugié-e-s.
Alarme Phone Sahara appelle aussi aux gouvernements et parlements de tous les pays concernés, comme le Mali ou la Guinée, de venir au secours de leurs concitoyen-ne-s et se prononcer contre les expulsions massives de l’Algérie au Niger.